D'abord, il y a la chaleur cuisante.
Non, d'abord il y a la douceur chantante de la langue.
Non, d'abord il y a les chiens, abandonnés au cœur de lieux abandonnés.
Alors ? je commençais par les cigales. Autant de cigales ? jamais entendu. Elles font crisser les oliviers, les murs, les tags, les amphithéâtres, les jours, les nuits. Elles accompagnent la marche des allées perdues. Celles d'hier. Celles d'aujourd'hui.
Sur l'Acropole, une hellène enthousiaste nous révèle que l'aura universelle du Parthénon depuis 25 siècles n'émane pas de ses colonnes, de son marbre, de son architecture, mais de la grâce d'une naissance : celle d'un monde où, pour la première fois, on élève un monument, non pas à la gloire d'un chef mort, mais à l'amour d'un peuple vivant pour sa cité, pour ses artistes. Un temps où ils préférèrent l'olivier d’Athéna à la source de Poséidon. Un monde imparfait qui vise la perfection solaire, comme un long trait d'orgueil entre l'inconnu et le connu, la passion et la raison, les dieux et les hommes.
Voilà pour l'honneur du passé, pour l'incarnation d'un sourire de femme, pour le pas en avant d'un homme de marbre rouge, vers deux siècles de paix et de joie. Qui finiront bien par s'éclipser, Mais dont le rayon fouille la mémoire, les voix éteintes et les mots scandés des poètes dionysiaques sur leur théâtre de fureur.
L'Athènes d'aujourd'hui vibre de cigales, comme on a dit, et de questions sans réponses. Des mains adolescentes gravent sur tous les murs des points d'interrogation qui se perdent dans le sourire désormais figé du temps présent.
L'Allemagne accusée contient depuis deux siècles les mystères de la Grèce nouvelle (du premier roi de Grèce, Othon de Bavière, à la violence de l'occupation nazie) qui éclate en slogans vengeurs, qui n'en finit pas de cahoter vers une nouvelle splendeur, toujours refusée, qu'elle peine à trouver dans les débris d'européanisme, les dorures trop orthodoxes et le mépris des riches illégitimes.
Fierté d'une musique endiablée, douceur des nuits, chaleur des accolades. Ah oui ! Et que la main tendue au peuple millénaire retrouve sa bonne raison, dans l'attente d'une profondeur nouvelle que l'ordre et l'harmonie sauront, un jour, peut être, ancrer à nouveau dans cette terre marine, cette pauvre richesse, cette société contradictoire qui fait danser la méditerranée.