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10 août 2015 1 10 /08 /août /2015 17:44

22 juillet - vers l'ile d'Eubée

un vent de lumière, et la force du cyclope imaginé, bientôt soulèvent en cadence un grand émoi d'eucalyptus et de poussière

l’œil te regarde, en deçà des iles égarées sur la moire du volcan

il reste un peu de temps, beaucoup de cendres

et l'acidité qu'une paupière archaïque a posé sur la vague

 

23 juillet - Karystos

ce que disent les cigales :

les nombres cachés et l'insistance des bourreaux, de leurs élytres coupantes, hacheront le soleil en myriades d'éclats

le chemin est long jusqu'à la vérité du zénith

on danse malgré tout sur les brasiers, et l'on fait tournoyer des couteaux de mica

un oiseau déchire le bleu

trois chardons noirs attisent l'enrouement d'un chien

cette épine a depuis longtemps infecté nos consciences

il reste le crissement du vivant qui ne s'oublie jamais

cela : c'est ce qu'il dit

 

25 juillet - Lavrio

dans les collines déchues de la mine, la brillance des plombs argentifères a coulé sur la mer

qui trop tôt s'est fermée

le poids de la fierté, et la violence du déshonneur s'étouffent peu à peu

il court un frémissement de chiens qui enfle jusqu'à la nuit, jusqu'à la sauvagerie initiale du monde désaccordé où des cerbères à cent têtes vont trouver nos peurs et les mener jusqu'à l'enfer, jusqu’à la mort, jusqu'à l'effritement des marbres qui ne cessent de glisser;

tout oiseau est un leurre

toute meute est à l'image de nos lâchetés

d'abord les chiens, puis le peuple, puis la mer

un autre jour : l'éternité

 

27 juillet - Athènes - Mont Lycabette

Quand nous vient la beauté, d'où vient-elle ?

des hommes ou des fleurs? de l'avant ou du présent? des incendies ou des rumeurs urbaines?

c'est l'espace du songe qui nous a couvert trop longtemps, et brusquement s'élève dans un bruit d'ailes

le temps est là, posé sur l'angle des pierres

le chant des oliviers et la respiration du ciel éloignent le malheur qui, toujours, fait le beau

loin des passions, loin des aurores fanées, il y a l'aplomb du midi que l'ombre n'atteint pas

 

28 juillet- Athènes - musée archéologique

le bref éclat du papillon sur l'enfant de Mycènes, la rondeur des cuisses et la poitrine offerte au masque d'or: j'ai vu les dieux qui nous ressemblent, gavés de plaisir et d'ivoire, sur la tête du peuple souverain qui construit sa maison

maison du lendemain, des saisons paisibles, des lèvres enchantées, et des pas en avant.

à l'autre temps qui brûle, rien n'est jamais caché

les messagers enfuis se lèvent avec le vent, avec la caresse du marbre, avec le cycle de l'homme seul, dénudé, que rien ne fléchira

pas même la mer, pas même la salive des mots qui disaient : nous voulons tout,

le vin et le sourire, la source et l'olivier

 

28 juillet - Athènes - théâtre de Dionysos

au souffle d'Eschyle, au vent de l'Attique, je choisis le mouvement du temps qui dépasse les morts

les mots du ciel creusent la terre d'un sillon d'humanité qui ne se dément pas

la lumière s'échappe de la stature des ifs hiératiques

ah! n'être rien que la cigale au delà de grisailles qu'on ne reverra plus

prendre racine dans le feu de l'ivresse, assécher les ombres jusqu'au sacrifice.

Un monde naquit, un autre s'écroula

l'empreinte des voix sous la plante des pieds s'éloigne peu à peu de la foule au dessus

quand je cherche le fond sous la carrière des siècles

tenir ou bien lâcher devient alors semblable insurrection

jeter sa voix que la sécheresse ignore toujours

la beauté n'a pas de couleur

elle est l'air blanc, le chant, que traverse un autre silence

 

29 juillet - Adriatique

nous sommes si fatigués, de vent et de brume

la tête en arrière, le cou raide, le pied lourd

il n'y a que les îles, dont chacune est un cadre sans nom qui encercle son mystère

nous sommes dans le bruissement des hommes, dans la fausse joie des fausses retrouvailles, ou peut être ?

un moment échappé au travers des roches que le soleil invite au rire ?

des langues dénouées, des accents circonflexes, des traverses suspendues au dessus des reflux ?

Train de nuages. Chenal. Vacation. Retrait.

la mer est plate

tout est possible dans la joue de l'arène

où surgirait un minotaure, un Léviathan, ou un volcan

si nous avions encore

le désir du voyage

le désir de l'inconnu

le désir

 

30 juillet - Patras-Ancône

pour la beauté, disions-nous, il n'y a plus de mots

notre gorge serrée avale tout doucement la suspension des graines arrondies que soleil, et lune, et soleil, font germer à l'horizon

il n'y a plus de mots

nous ne savons dire que la colère, la vibration insolente des révoltés et le temps immobile d'hommes démantelés qui frappent à la porte

car il n'y avait pas d'autres mots

nous les avions épuisés de recours inutiles, de luttes sans merci, de douleurs et de cris

pourtant, la voici, disions-nous, la voici maintenant qui martèle nos yeux

mais il n'y avait pas de mots dans nos bouches amères

elle était là, nous le savions, il suffisait d'un peu plus de joie, d'un peu plus d'oreille pour entendre sa pulsation qui nous pétrit d'éternité

nous n'avons pas pu

mais nous savons qu'une autre fois, sans doute, du puits remontera un seau d'eau fraiche que nous appellerons : beauté du vide

où jeter nos illusions, où désaltérer nos simples corps

images miroirs d'hier à aujourd'hui
images miroirs d'hier à aujourd'hui
images miroirs d'hier à aujourd'hui
images miroirs d'hier à aujourd'hui
images miroirs d'hier à aujourd'hui
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images miroirs d'hier à aujourd'hui

images miroirs d'hier à aujourd'hui

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  • : Chroniques, poésies, photos, créations pour illustrer mes voyages, mes rencontres avec les humains solidaires, avec l'Art et les cultures, ici et partout ailleurs. Livres parus à ce jour : "lettres d'Anisara aux enfants du Togo" (Harmattan), "Villes d'Afrique" et "Voyager entre les lignes" (Ed. Le Chien du Vent)
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