Il fallut constamment hésiter entre le trop et le dépouillé, entre le pauvre et l'abondance, entre l'accumulation et le rejet.
L'image de l'Art comme celle d'une nourriture nécessaire à la vie, mais souvent détestée dans son écœurement auquel on ne peut échapper, sous peine de mort.
Rester pure sans être vierge, ne rien sacrifier à la facilité, célébrer la paresse. Y a t-il un désir d'Art qui ne soit contradictoire ? J'admirais parfois ces forçats du travail qui produisent, on pourrait presque dire, qui "chient de l'art" comme d'autres "pissent de la copie", qui sont consacrés à un torrent de génie les traversant jusqu'à construire un monde. J'aimais aussi passionnément ce peu, ce rien, cette évanescence de l'unique, de la fragilité et du désir qui ne s'accomplit pas tout à fait sinon dans la suggestion d'un possible immatériel.
Contradictoires donc multiples, chemins qu'on ne choisit pas, où l'on attend des rendez vous qui ne viennent pas ? Cette hésitation sclérosante, stérilisante, ces doutes paralysent la volonté de faire, mais contentent le laisser-aller des vies en forme de peu.
Depuis quelques années je signais "NaDa" sur mes dessins. J'aurais aimé n'avoir d'autre ambition que vivre l'instant, mais quelque chose surgissait qui disait : "il faut ..." ou plus encore : "il ne faut pas gâcher ses possibles... ".
Qui le dit ? Qui l'impose? Qui travaille pour contraindre cette liberté de dire "non" à tout ce qui se présente, à tout ce qui veut forger un autre moi à l'intérieur du moi ?
Quelque chose parlait depuis longtemps, il est vrai, qui me faisait ramasser au bord des routes des mots, des cailloux, des traits, des traces, des images et des herbes sèches.
Allons donc jusqu'au bout de ce chemin là, il est temps. Car il n'est plus vraiment temps.
Je l'appelle "liquidation". Un mot soyeux qui renvoie vers le fleuve tout ce qui pourrissait au bord des rives. Un mot chargé d'alluvions qui fertilisent, tout en lavant les superflus de moments arrivés à leur terme.
Je choisis les fonds. Les fonds ont une histoire cachée que moi seule peut connaitre. J'emporte leur secret sous les couches de l'accumulation. Évacuation. Je vide. Je décharge. Je recouvre. J'allège enfin. Ce n'est pas si difficile. Ce ne sera pas si long. Chaque vie est infime qui peut se résumer en une seconde panoramique au bord de l'asphyxie. Un schéma pyramidal où l'on efface petit à petit les cases en étoiles, les soubassements, les fondations. On recolle, on combine, on arrivera bientôt à l'origine, c'est à dire au sommet. Au point zéro.
On respire alors comme jamais. Les armoires sont vides, les bords lavés. On sort d'un trait d'encre originel. C'est la vie.
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