Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
2 septembre 2016 5 02 /09 /septembre /2016 10:20

Mise en scène

L'Art de la mise en scène, que j'ai pratiqué un grand temps de ma vie, m'a ramené, sans le savoir, à des pratiques anciennes, plastiques, choisies, qu'un moment j'avais crues détournées par le théâtre, qui n'était pas un premier choix, mais dont j'ai gardé certains codes dans ma pratique.

Par exemple, la culture de cet « art de l'éphémère » comme matière de la création. L'action théâtrale demande beaucoup de travail pour un résultat qui ne se matérialise pas, sinon à l'instant de la rencontre avec le public. Ainsi sans doute de toute œuvre créée. En effet, le moment de la « répétition » où l'on forge une matière impalpable, entraine celui de la « représentation » qui a besoin de l'échange avec l'autre. Lorsque je dis « échange », je veux dire par là que l’œuvre seule n'aura pas de valeur intrinsèque, quelle qu'elle soit, sinon dans le moment où l'autre lui donnera son attention, son émotion, et son regard qui font exister la création

Ensuite, l'art de la « récupération ». Le metteur en scène ne crée pas tout, il peut imaginer des décors, des costumes, des lumières, des placements, il peut se saisir d'un texte non contestable, mais il dispose au final d'un matériau unique et non réductible : le corps, la voix, le vécu du comédien qu'il met en scène. Cette réalité le contraint à prendre, à récupérer, pour son discours tout ce qui se joue dans le corps de son interprète. J'aime cette utilisation des supports, des objets, des matières qui ont une histoire, une forme, un passé qu'on ne soumet pas en tous points à sa volonté mais qu'on apprend à respecter tout en les mettant au service de son projet. J'aime cette nécessité d'une « improvisation à partir de » qui ne parle pas d'une virginité de la page mais de l'importance d'un fond d'existence.

Enfin, l'idée de la mise en scène comme organisation d'espace, de temps, de sons, de mots, de décors et de corps, procède bien d'un art total quoique distancié par sa mise à l'écart en un lieu improbable appelé espace scénique. Cette mise en espace peut n'être qu'une convention entre le créateur et le spectateur, néanmoins, la fonction de cette séparation est essentielle, c'est tout le contraire d'une immersion, ce que Peter Brook appelait « lieu sacré », et à qui je donne, moi, le nom simple d'exposition. Car je ne sais rien du sacré, je disais déjà que le créateur humain le plus génial est un homme comme moi - ou nous sommes tous des dieux, potentiellement, - ou il n'existe pas de dieux-, en revanche ce créateur est singulier, particulier et m'expose en artiste sa vision du monde : je ne suis pas lui, je ne suis pas en lui, je suis en lien, en empathie, ou en refus selon le cas, en tous cas toujours à cette distance minimale du face à face qui autorise l'admiration sans la fusion, la beauté sans le chaos, qui amène la rencontre parce que nous sommes deux, qui amène la beauté parce que l’œuvre procède d'une organisation, d'une volonté et non du seul hasard, qui pose enfin la question d'un être différent que le monde interroge à sa façon.

L'Art est comme une mise en scène de ma fiction humaine qui se dévoile, sans pour autant occulter le mystère que je garde en moi comme mon unique trésor, mon unique ressort.

♦ ma vie d'artiste (6)

Partager cet article

commentaires

S
Passionnant et bien écrit. Il est intéressant de remarquer des points communs avec ma propre expérience, quoique je n'aie ni ton talent ni ton parcours. Le théâtre a en effet un côté divin; pourtant à la différence de tant de dieux, il ne supporte pas le mensonge.
Répondre

Repères

  • : ANISARA
  • ANISARA
  • : Chroniques, poésies, photos, créations pour illustrer mes voyages, mes rencontres avec les humains solidaires, avec l'Art et les cultures, ici et partout ailleurs. Livres parus à ce jour : "lettres d'Anisara aux enfants du Togo" (Harmattan), "Villes d'Afrique" et "Voyager entre les lignes" (Ed. Le Chien du Vent)
  • Contact

Rechercher

Catégories