Belle, je la retrouve, à la saison des eaux meurtries par l'encombrement des gravières,
je longe les bois noirs piqués d'éclaircies, car là, tout à travers, toute lumière est bonne à boire
je la retrouve, belle, dans ce peu de couleurs aux infinités de nuances, dans ce peu de courant aux infinis remous, avec
la fraicheur de l'arbre
le crapaud mort sur la route
les premiers labours
là, elle, dans l'obscurité vénéneuse de sa chair attentive, défie les matins nus et les soirs enrubannées d'insectes
passante au plein midi de ses largesses
inconnue reconnaissable, Loire au goût de figue et de cerise, blondeur au long cours hérissée de silex et de coquilles
ni domestique ni putain, calme étale, ventre à l'air à qui veut bien la prendre
elle, n'a jamais dit oui à la racaille nobiliaire des ducs et des rois qui la comblaient de perles et de châteaux
Loire, histoire, chanson de vin, Loire, chanson rouge et blanche de grappes et de tuffeau
j'épouserai le fleuve et sa lenteur rebelle, et ses griffures de ronce, et ses vigueurs traitresses
belle, fleuve de retrouvailles, un nouveau jour