Tu vois, lui dis-je, c'est maintenant que l'on se quitte. Dans ce matin blanc à la frontière de nulle part. Avec douceur et sans regrets : c'est une histoire qui n'a pas eu lieu.
Sur mes talons depuis sept jours elle a marqué son territoire, sa profondeur sans limites, en tenant mes chevilles au dessus des abysses. Elle m'ignorait le plus souvent, me laissant respirer malgré cette agacerie d'aiguille fine plantée dans la chair tiède.
Parfois je lâche prise et j'oublie qu’elle me tient à sa portée, alors elle gronde un peu plus fort : mon cœur s'emballe et la nuit me surprend, secouée de spasmes à venir. Elle dit qu’elle épargne comme elle veut, selon son bon plaisir, mais je ne suis pas dupe.
C'est maintenant que j'abandonne. Saluant le navire qui tourne dans le fjord alourdi de nuages bleutés. Grimpée sur la montagne au-dessus de Kirkenes, dans la tourbe et la glace, je la regarde au loin sans savoir quoi lui dire : peut être un merci, peut-être une rancœur secrète. Je connais la puissance qu’elle n'a pas déployée et me félicite d'être partie à temps, je n’avais rien à offrir en échange.
La Terre est rousse sous mes pas. Il reste, à peine, ce léger balancement du corps qui ne veut pas lâcher.
J'ai retrouvé la route libre et dure qui ne se dérobe pas, où l'on n'explore pas le fond secret des cales.
J'ai retrouvé mes pieds. J'ai retrouvé mes mots.
Faire suite à mon post du 22 septembre ?