Manif à Quimper. Milliers de gens qui défilent sur le bitume... et chantent ! Mais oui, les manifestants ne sont pas que ces casseurs exhibés chaque soir sur les écrans de télé poubelles
Ils espèrent aussi, ils aiment. Ils aiment se retrouver, nombreux et déterminés. Ils luttent. Pour eux ; pas seulement. Pour leurs enfants ; pas seulement. Contre les privilèges ; pas seulement. Ils luttent parce qu'ils ont raison. Parce que, dit leur chanson : "... pour l'honneur des travailleurs, et pour un monde meilleur, on est là, on est là..."
Ils luttent, et avancent, et chantent ensemble : slogans inventifs, drapeaux multicolores. Poésie de la rue qui déborde, d'où la France est issue, non ?
Un moment, le grand serpent de manif devient bicéphale. Quelques centaines se retrouvent la gare de Quimper, entrent pacifiquement, bloquent le quai à hauteur d'un TGV tout bête qui a perdu son conducteur et sa boussole. Et là, ils chantent, de plus en plus fort le même refrain "On est là, on est là..." repris inlassablement, joyeusement. Les minutes passent, on ne sait pas combien. On est là, on chante à l'unisson, on a chaud et on est heureux.
Ont-ils oublié, ceux qui lancent la police sur des mères de famille, ceux qui vilipendent l'unité des faibles, ceux qui crachent sur l'action syndicale, ont ils oublié que cette humanité, parfois désespérante et passive, peut aussi bien souvent, à la faveur d'un moment de grâce, à la faveur d'un lieu commun, à la faveur d'une injustice, d'une répression, partout dans le monde, devenir "le Peuple" et chanter d'une seule voix son amour de la liberté, de la justice ?
On n'a pas envie que cela s'arrête, et cela s'arrête pourtant. Peu à peu, les jeunes, les vieux, les drapeaux, les gilets, les couleurs, les convictions diverses et tout juste réunies, se reforment en cortège et rejoignent tranquillement la rue, la vie, le chez-soi.
Le soir, je regarde une émission hallucinante sur la privatisation de l'eau et la spéculation financière des millions de mètres cubes que l'on peut acheter en bourse à Londres et revendre à Sydney ou à Los Angeles lorsque la sécheresse assoiffe les paysans.
Nos combats si dérisoires peuvent-ils changer la logique de ce monde là? ce monde est il encore le nôtre, vendu cent fois aux profiteurs ?
On ne sait pas. On ne sait plus. On était là, on reviendra. On survivra dans la fraternité. pour donner tort à la folie de l'argent, au mépris des puissants, à l'arrogance mortifère des possédants.
On est là ! On lâche rien