le nom de Prague résonnait d'un passé meurtri de chars, de printemps écrasé, de douleurs insoutenables. J'étais nourrie des films qui fleurissait dans l’espérance, c'était l'année de mes 19 ans.
le nom de Prague était Bohème, il devenait l'état de lieux qu'il fallait parcourir pour une vie sans complaisance et sans objet.
le nom de Prague était Moldau, dont les accents emportés avaient fixé le tracé d'un fleuve musical toujours ami.
et puis
il y eut la gare encombrée de bus, les échangeurs désordonnés, les immeubles roses et les foules animées
il y eut la Vltava aux rives abruptes, les ponts innombrables, les mille clochers, les cimetières, les adieux tragiques, les souvenirs réalisés
j'étais donc là, submergée d'images trop belles, ou trop conformes, ou trop soumises à l'avidité des étrangers qui se pressent dans les ruelles, comme on visite une vieille parente qu'on reconnait à peine
et puis
Kafka
l'homme vide et dense de métal poli
l'homme du sourire absent
l'homme semblable de la fraternité
Kafka de Prague chuchote l'essentiel
ce qu'on n'oubliera pas.