un ami m'écrit il y a quelques jours à propos du livre :
"D’abord, avant de commencer, un sentiment un peu gêné, parce que je te connais, l’écrit c’est si intime, et comme en plus ce n’est pas une fiction.
Et puis, aussi, en commençant, parce que je lis des lettres que tu écris à d’autres gens, et je me retrouve voyeur de ta correspondance. Mais j’imagine que ça fait partie de ce qui sous tend cette écriture..."
il est donc ici question de cette "mise à nu" à laquelle on convie un jour des gens qui sont, ou ne sont pas, nos amis, que l'on connait, ou non, que ce soit sur les blogs, dans les pages des livres ou les poèmes qu'on glisse furtivement un jour dans la poche d'un éditeur de revue
ou pas du tout furtivement au contraire, mais avec un sentiment (rayer la mention inutile) : - d'urgence - d'autosatisfation - de besoin de reconnaissance - de conscience de sa valeur - etc etc.
encore que ce "besoin" de parution puisse s'accorder à n'importe quel type d'écrit, lorsque l'écrit en question met directement en prise son auteur et son histoire personnelle, le sentiment peut l'emporter chez le lecteur qu'on perd de vue l'objectif littéraire, ou la valeur du témoignage, pour se trouver confronté à un étalement gênant voire à un exhibitionnisme complaisant...
je ne peux pas réfuter cette impression qui est le privilège de l'appropriation du texte par son lecteur
je veux dire cependant que, curieusement , en tant que lectrice (un vieux fond de puritanisme catho dirons certains) m'insupporte le passage à l'intime dans les écrits publics
alors ? encore une contradiction avouable ?
non !
je fais une grande différence ( mais cela n'engage que moi) entre mise à nu et exhibition, entre intime et personnel, entre témoignage et voyeurisme
en rendant le lecteur du livre témoin de mes écrits épistolaires je n'ai pas le sentiment de trahir qui que ce soit, car à la vérité les lettres réelles que j'ai écrit à ces mêmes personnes avaient un autre ton, en ce sens on est bien dans une sorte de fiction narrative, quoique je m'en défende : parce que ces lettres sont pour la plupart collectives, elles s'adressent à qui les reçoit et donc par un procédé peut être un peu trop "fictif" justement, à un lecteur qui n'en est pas le destinataire
enfin si je parle beaucoup de moi, je me place délibérément dans une perspective historique (croisement d'histoires comme il est dit quelque part) non d'histoires inventées mais de chemins, même réinventés, tracés dans un passé qui n'appartient pas seulement à moi, chargée d'une mémoire qui n'est pas ma seule mémoire.
en dehors de cela, on ne trouvera pas un mot, je crois, sur mon intimité vécue
je reste, de ce point de vue dans le personnel et non l'intime, comme je l'ai dit plus haut. J'y ai prêté une très grande attention, afin de ne pas franchir la limite que je m'étais autorisée, et que pouvaient m'autoriser tous ceux dont je parle !
respect de leur image que je ne veux pas impunément voler.
c'est la différence qu'il y aurait à se mettre très exactement nue devant des gens (dans mon métier de comédienne je l'ai fait sans aucune gêne), et à faire un strip tease devant un homme qu'on aime
la simple nudité est belle, que nous partageons tous si nous le voulons
c'est le fond de notre humanité, et notre impossible tension vers l'absolue sincérité : nudité physique ou senti-mentale, je ne fais pas la différence.
si l'au delà de cette limite n'était pas réservée à quelques uns, cela s'appellerait prostitution !
et même par écrit, ce serait, pour moi, le comble de la vulgarité !