reçu une lettre d'une jeune amie rencontrée au Togo en 2002 et qui a fait depuis, son chemin personnel mais non solitaire, avec nos amis de Kara
ce n'est pas un commentaire sur le livre mais une nourriture sur l'échange engagé à partir de ce texte
Je suis allée au Togo pour la première fois à 19 ans…
Savais-je vraiment pourquoi ? Qu’allais-je y chercher ? Simplement peut-être une soif de découverte, de différence, une envie de rencontrer ces Hommes du bout du monde. J’y ai rencontré des enfants, des femmes, des vieillards, mais surtout des jeunes.
Ma jeunesse a été confrontée à la leur. Mêmes idéaux, même envie de vivre et de changer les choses. Ma jeunesse est également tombée à plat.
Notre jeunesse française, européenne, occidentale, buvait le samedi soir, buvait le matin avant d’aller en cours pour oublier le poids d’une société, d’un système scolaire formaté. Leur jeunesse luttait pour aller à l’école et le soir racontait des contes sous les étoiles.
Ma jeunesse fumait et s’oubliait dans les volutes des pétards, sans rien attendre, pensant couper les ponts avec une génération de parents travailleurs, moralisateurs et inquiets. Leur jeunesse, sans rien attendre, était déjà adulte, consciente, prenant en main les plus petits et se dirigeant avec dignité vers un avenir incertain.
Ma jeunesse ne rêvait plus que de choses raisonnables, avoir un bon métier, un travail qui nous plaisait, échapper un peu au système capitaliste occidental. Leur jeunesse rêvait de liberté, de voyages, de devenir président, joueur de foot ou chanteur.
Ma jeunesse ignorait tout de leur manière de vivre et imaginait l’Afrique comme un continent inconnu où les gens en boubou marchaient pieds nus sur le sable. Leur jeunesse connaissait tout de nous, notre président, notre tour Eiffel, nos séries télé, notre système économique, notre géographie, notre camembert et notre vin, Victor Hugo et Prévert.
Ma jeunesse ne cherchait rien qu’à voyager, à voir le monde, mais elle est restée accrochée là sans vraiment avoir envie de continuer ce voyage « humanitaire et touristique » qui nous donnerait des choses à raconter au retour.
Ma jeunesse s’est amarrée à leur jeunesse. Mes voyages n’ont plus rien à raconter que le partage, l’échange, l’amitié, de longues heures à attendre sous un manguier, à marcher sur la terre rouge, à parler de la vie, de longues journées à attendre nos retrouvailles.
Aude