Une amie avec qui je parlais hier des "lettres d'anisara", me dit qu'il lui a manqué les portraits, les mots écrits de ces jeunes amis, la nature des paysages, les évènements de la vie quotidienne auxquels je fais référence dans le livre sans jamais entrer dans la description concrète, réaliste et effective de cela, et ceux-là, dont je parle.
chacun trouve dans un ouvrage, quel qu'il soit, à la fois ce qu'il attend, et ce qu'il n'attend pas, mais il ne trouve pas toujours les deux comme il l'espère
il faudrait pouvoir se reconnaitre et dans le même temps vouloir s'étonner, s'identifier et accepter a contrario le dépaysement de la différence
cela appartient à la responsabilité partagée de l'écrivain et du lecteur, chacun accomplissant sa part de l'ouvrage qui manque parfois, ou de fondation, ou de toiture, ou de porte, voire même de clef pour y entrer
de cela, je ne discute pas, car après avoir accompli, tant bien que mal, ma part, je ne m'attends pas à ce que tous mes lecteurs y trouvent le compte exhaustif d'une construction telle qu'ils l'ont imaginée ...
mais j'aime à poser les questions, c'est sans aucun doute ce qui m'a le plus motivée en écrivant ce livre, autant que j'aime à être interrogée sur mes manques et mes absences ...
l'un me disait il y a peu :
"où sont les corps?"
l'autre me dit : "où sont les gens?"
je réponds ainsi à cette nouvelle question :
peut être sont-ils trop présents à mon coeur pour que je sache les peindre ...
ou encore, ne voulai-je pas donner directement à voir ceux que j'aime, mais à déchiffrer l'espace entre deux,
entre celui-ci et moi,
entre ce lecteur et cet enfant lointain...
est-il nécessaire absolument que je vous montre avec mon seul regard son nom et son visage ?
si j'écrivais de la fiction romanesque je saurais créer ces personnages attachants qui font vibrer ou s'émouvoir, mais je parle de leur vérité que vous ne connaitrez jamais, sauf si vous y allez vous mêmes
donc, il t'appartient à toi, lecteur, de regarder à ton tour ton voisin, ton ami, l'enfant que tu rencontres au hasard de ton voyage
et à ton tour de lui raconter ton histoire
à ton tour d'entendre sa voix
qui n'appartiennent alors qu'au secret de votre échange, si singulier, si universel !
c'est en cela qu'un unique témoignage pose l'unique question qui importe :
comment vivre ?
comment vivre avec l'autre ?
pour contenter mon amie, voici un portrait de groupe (des jeunes de Kara sud) et un paysage (la faille d'Aledjo)...
qu'en saura-t-elle de plus que, même moi, je ne sais pas ?