Les chocs répétés de l'indigence et de la haine sociale n'ont pas empêché les "grands" de fermer les yeux sur le climat délétère au goût de cadavre, étouffé dans son crachat et sa terrible déshérence.
Face à l'émergence de la brute, il n'y a que la fraternité qui tienne, et pas les calculs stratégiques du tout-pour-soi.
Moi, je n'ai pas peur. J'ai seulement envie de vomir ce relent d'infection collé sur ma langue qui n'arrive plus à crier.
Nous entrons dans un tunnel et savons ce qui nous y conduit : le petit confort, le manque de vigilance, l'égoïsme, le fatalisme et la peur.
Et la peur !
Peur de manquer, pour ceux qui manquent déjà. Peur d'être dépossédés, pour ceux qui possèdent. Peur du noir, pour les presque aveugles. Peur du rouge, pour les excités. Peur d'être laissé face à son destin avec le devoir de choisir seul. Peur de l'enfant cherchant l'amour et qui, à force de provocation, ne reçoit que des coups.
Toutes ces peurs contradictoires, sous estimées, banalisées, sont le ressort d'une adhésion complexe, et si simple en même temps : comme la fatigue qui saisit le marcheur et le fait tomber là où il ne sait pas encore que sa chute est mortelle.
Je voudrais bien parler aux hommes, aux femmes de ce bord là, aux jeunes inquiets, aux vieux dont les machoîres se serrent. mais je ne connais pas les mots fauchés par la douleur de la négation et du refus.
Ceux qui se dandinent avec l'arrogance des nantis, ceux qui arpentent les avenues pavées de fric, ceux qui entassent, ceux qui s'aveuglent, font plus que voler au peuple ce qui lui revient de droit par simple justice, par simple égalité. Ils le précipitent dans le désespoir aux mains sales, aux griffes animales, prêtes à le dépouiller du seul bien qui lui reste : la solidarité nécessaire.
Mais aussi ceux qui, par calcul, par stratégie, avec ce léger mépris envers celui qui ne compte pas mais qui se donne, ceux là aussi mettent sur la place, sans le reconnaitre, l'ignominie de leur indifférence et laissent les portes grandes ouvertes à l'enfer qu'ils veulent ignorer, qu'ils laissent grandir et se gaver, pourvu que leurs mains restent propres dans leurs poches bien serrées. Et continuent à croire que cela fera bien leur affaire, que la foudre tombe toujours à coté, que les petits dorment encore. Mais ils oublient la terrible violence de la faim, de la négligence et du ghetto. Ils oublient que le mal a déjà posé sa main sur nos épaules et qu'il peut nous broyer.
Vous, les tenants du pouvoir, les avides, les grands chefs, les ordonnateurs de festivités tapageuses, les cireurs de pompe du capital, vous avez flatté la bête, qui vous mord jusqu'au sang.
Mais vous, les sociaux-démocrates qui détournez les yeux et recomptez sur vos calculettes, le beurre, le prix du beurre et vos paquets de voix, paquets de chiffres, pour un marchandage sans âme, vous risquez à la fin de ne plus retrouver la vôtre, noyée sous le déni de réalité qui vous tient à la gorge.
Nous avons entendu, durant toutes ces semaines, une autre voix qui clamait le danger.
Qui a préféré l'utilitaire, le calcul ou la peur ?
Pauvres français, pauvre nous !
Pourtant, je souhaite à tous que la tristesse d'aujourd'hui soit le coeur battant d'un nouveau jour, où le combat toujours reprend, où le drapeau toujours se lève, où le matin toujours renait, rouge d'aurore et de promesses.
Nous sommes des millions.
On ne lâche rien, On ne demande rien.
Nous serons debout, encore debout, face à la bête immonde