quelques mots d'une mémoire de plus en plus ténue qui se superpose aux images, puis disparait, vite, comme les traces, indispensables à celui qui se perd, si fugaces pour celui qui ne sait voir
car toute trace est un signe qui ne dure pas, il faut l'acuité du regard et la force de l'attention pour en saisir l'essence
ce que nous disent les traces est plus léger, mais aussi puissant que les monuments érigés sur des socles de pierre
le vent passe et balaye, mais la beauté jamais, ne se dégrade , ni ne s'achène
elle est mouvement perpétuel d'éternité
elle est une dune offerte chaque matin que la lumière caresse
la beauté du désert est son immuabilité dans l'impermanence,
cette contradiction reformée seconde après seconde que le regard ne saisit pas
et qui pourtant
l'illumine
"Vous, vous avez l'heure, nous, nous avons le temps" proverbe bédoin
nuit de belles étoiles
que la pleine lune avale
le désert gris ne s'éclaire pas
vers le matin couvert
de la montagne plate on devine
les rides piquetées de tâches rousses
il pleut
ça pique, ça craque, ça crisse
bouche, langue, dents
fine poussière d'anges
en espérance de vent frais
le doigt du silence effeuille
les pages une à une
de nos livres étoilés
pluie sourde entêtant
la couverture de laine
chaud et froid
le vent s'immisce
j'attends le jour
j'ouvre les yeux sur la ville
qui se met à couler
de sable en sable
de rue en rue
de fenêtre en porche gris
sous la lune il n'y a plus
qu'un fantôme de ville
et mon désert perdu