revenues au coeur du presqu'hiver, encore quelques villes africaines où j'ai aimé passer et contempler le vaste monde étranger cher à mon coeur autant qu'indispensable à mon esprit
Tchitchao
Couronne du bois sacré
Contre l’arche ardoisée des nuages
Arbres en chevelure dévalant la courbe luisante des maïs
Le coupe-coupe dans la branche
L’arrachement du cœur meurtri
Par les pluies en bouillon
Que des adolescents cadencent
Sous le vert éclate la parole
Des morts annoncés
Sokodé
La langue je ne la comprends pas
perdue comme je veux
dans le temps autrement
Mots effacés que je regarde
avec les sens, les impressions, les intuitions
d’un langage qui ne se lit
ni de gauche à droite, ni de haut en bas
mais au fond des sentiments voilés
et vit dans un ailleurs
qui a touché le ciel et la saveur du soir
Oh ! se perdre sans rien savoir
des mondes incertains
qui ne se possèdent pas
Image contrariée du bonheur facile
Connaissance trouvée qui se tait
et sait aimer le silence en silence
dans le regard en fuite
Le doux chant du muezzin
Les filles aux yeux brillants parées pour des noces futures
Les puits, les feux paisible, les rivières
et les chemins de terre parlant de l’enfant que je fus
Je les aime et je peux les nommer
Cotonou
C’est le vent du large, dit-on, qui chasse la persistance pâle des fumées,
cette accélération du cœur et du battement tremble à chaque carrefour
enlacement, retours, dérapages, jusqu’à l’écœurement des essences marchandées.
L’ouate est sur la ville dans son nom de blancheur où perce la flèche d’un minaret ou la rumeur d’un tapage vaudou
Le marais ne se dessine pas, lui même errant dans l’infinité de lagunes et de silices que le plastique recouvre et désunit
Cotonou laisse ma mémoire sans objet, sans lumière, sans autre fraîcheur que la trace d’un zem chargeant vers l’improbable, une espérance noyée de volutes grimaçantes
Abomey
Il est, tout au contraire d’autres instants flétris, des scarifications dont rien ne vous délivre
Le train s’étirait en fardeaux incertains et tombait là, sur Bohicon au marché de midi, où la ville sanctifiée, à portée de sagaie, ouvrait la statue sans mesure d’un roi transi qu’aucun astre tropical ne savait réchauffer
Le sang des ancêtres ne vaut pas la terre rouge des royales amazones où piaillent des coqs noirs
Le passage étreint l’âme jusqu’au genou, et fait ramper le sol sous les pieds étrangers
Je me souviens des tissus, des cannes, des ors pâles, des bois affûtés, des soudures pesantes, des monnaies, du capharnaüm d’incertitudes et de rapts anciens que la mélopée ne peut rendre
Et qui, pourtant, de fresques en images, de sculptures en piqûres de frange, célèbre sans interruption le vide et l’amertume des gloires asservies et des esclaves morts
Abomey l’impériale est une parenthèse de vent entre deux wagons éraillés que le lent passage du sable retient jusqu'à la fin
De quelle incertaine douceur ?