GOREE
cerclés de ferrures
plongeurs de vague sans mémoire
fond du non retour
déjà deux jours que je suis là, ou devrais-je dire: il n'y a que deux jours que je suis là, à faire ma touriste. Ce sera peut être différent en Casamance ( ne sachant pas ce que les amis m'ont concocté) en tout cas cette Afrique m'a bien reprise, sans aucun problème, comme ils disent, à supposer qu'elle m'ait jamais lâchée ...
ici le temps coule différemment, c'est à dire qu'il ne passe pas au sens passif du terme, bien que je "passe" beaucoup d'heures à ne pas faire grand chose, on dirait qu'il coule d'un seul bloc, mais avec la douceur paresseuse et constante d'un fleuve immuable.
ici les gens se parlent différemment.. il n'y a qu'un toubab grossier pour me dire au repas du soir de l'auberge qu'il préfère manger seul pour être tranquille, dans la même pièce minuscule, à deux, on se tourne le dos, c'est un comble !
le meilleur ce sont les rencontres, les mots échangés, le temps passé à bavarder, en dépit de tout ce qu'on voit par ailleurs de laid de triste de misérable qui serre le coeur, ou d'inquiétant parfois qui vous fait sentir vraiment étranger
Gorée :
les échoppes pour touristes sont les mêmes que partout au monde, elles débitent au kilomètres un art formaté et sans surprise de "créateurs" qui ont probablement, je l'espère pour eux, une production autrement originale à leur actif ( en ville close de Concarneau aussi on connait ça !).
dans l'ile minuscule et magnifique, odorante et fraiche, émouvante et rouge sang, on peut pourtant facilement trouver un peu "d'écart" où personne ne viendra troubler la contemplation, je dirais presque la méditation sur ces lieux chargés de douleur.
justement sur une plage de cailloux pas très accueillante un joueur de djembé tape sur ses peaux pour la mer, le silence et les oiseaux.
un autre est là aussi, silencieux et tranquille. rasta et voileux; j'offre une cigarette et on bavarde calmement allant même jusqu'à évoquer la course Transat partie de Concarneau en avril (un comble quand on sait ce que j'en pense !) et l'école des Glénans de renommée internationale... il faut bien commencer par quelque chose en trouvant un terrain d'entente !
pour d'autres c'est le foot dont il ne faut rien ignorer, ou la pêche, ou la région d'où on vient
plus tard, je me ferai même saluer par un pêcheur en pirogue d'un "yec'hed mad - kenavo" qui témoigne de sa connaissance véridique des bretons, ou du langage universel des marins ?
le soir avant de reprendre le bateau, je finis par avoir une discussion assez drôle avec Maria, qui vend des colliers dont je n'ai nul besoin. Je ne sais plus comment elle en vient à me parler de Sarkozy et de Wade (président du Sénégal) qui sont deux voyous à ses yeux, le plus voyou des deux étant quand même Sarko, dont elle évoque avec mépris le fameux "discours de Dakar", je lui explique le "bouclier fiscal" elle me répond "corruption", bref on se lâche à fond sur la politique (discussion relativement rare avec les femmes) et c'est la première fois que j'entend quelqu'un dire ostensiblement du mal de Wade...elle a peut être inventé une approche originale de marketting à l'égard des français, je lui prend quand même deux minuscules bracelets "pour la conversation !" ... et parce que je me suis bien amusée !