Premier mai : rouge et noire manif, je défile toujours avec les anars, leurs protestations sont plus gaies, et leurs cadences plus inégales !
Sur un banc quai du Steir, premier soleil depuis des semaines. Et un sandwich vite attrappé dans le seul magasin ouvert de tout le quartier.
Devant moi, les miettes échappées du casse-dalle. Trois gros oiseaux accourent en dandinant vers la manne convoitée. Rapide, fulgurant, un petit piaf vient leur voler droit sous le bec. Les trois gros se retrouvent pigeons à plus d'un titre. Le morceau de pain tombe et retombe mais le petit s'accroche. Afflux d'affamés lourdauds qui se bastonnent pour rien. Le piaf n'aura pas tout perdu.
Et là, un vieux monsieur. Il fait semblant, semble-t-il, de téléphoner dans la seule cabine qui doit rester à mille lieues à la ronde. Et s'approche. Fait beau, dit-il. Oui, je dis. Vous vous y connaissez en pigeons, il demande. Pas trop, je réponds. Il bredouille quelque chose. Je réponds distraitement. Il regarde pensivement les emplumés qui débattent. Et tout à coup : vous croyez que cette variété là, on pourrait les manger ? Merde, il a faim ce vieux ! et moi, plus rien, j'ai tout balancé aux oiseaux. Fin du sandwich. Fin de la conversation.
Il repart vers le banc d'à coté voir si la femme qui l'occupe a fini son quatre heures.
Pour un peu, je lui aurais bien dézingué un ou deux volatiles pour son déjeuner. Pas osé.
Mes copains anars, peut être, l'auraient fait !
De Quimper à La Paz, le pigeon ne change guère !