comme si les mots finissaient toujours par rattraper le réel
on a beau les cacher sous l'emphase ou la torsion du sens, ou l'imprécision des vérités affleurant
et tout particulièrement dans ce face à face télépathique avec le vide d'un écran - aussi plat qu'une idée morte -
toujours avoir peur de trahir
à la fois vouloir ne pas mentir et, dans le même temps, ne pas dévoiler
toujours se garder de la simplicité qui nomme et dénoue les méandres
mais plutôt sentir les mots comme un tricot, comme un tissage, qui recouvrent les quelques pauvres choses qui vous révèlent, croyez vous, en nue propriété
je voulais ciseler, ou marteler, je voulais servir les mots et me servir dans le même temps, je voulais des couleurs vivantes et chaudes qui ne se décrivent pas, ou mieux encore, trouver des couleurs sans nom, sans définition.
je voulais apprivoiser les mots comme des animaux dont la conquête eût été une victoire, je voulais les chatier, les châtrer, et qu'ils ne disent rien, surtout
et, ce voulant dire le tout et le contraire du tout, avec l'espoir qu'un mensonge serait vite oublié - les mots trahirent au final ce qu'ils voulaient dissimuler
je ne les aime plus, je crois, ou bien moins
il faudrait donc taire au lieu de ressasser, une fois une fois, vraiment, le faire et jeter avec l'eau du bain, les foetus du regret, de l'heure passée, du moment qu'on n'a pas su saisir, de la paresse et du chant qui s'éteint, qui s'étreint..
Retrouver le silence et ne plus jamais dire la couleur du moment, mais peut être seulement
la peindre... si l'on savait
vocation, ratée ?