c'est un mot qui revient sans qu'on sache de quelles éraflures d'enfance dont le respect du prétendu supérieur égratignait nos pensées, nos trépignements
un petit mot joyeux qui faisait exister le moi et sa cohorte de silence, un mot jaune comme un rire contraint qui justifiait la mise en coin de la punie et du verbe moqueur
un regard effronté qui tenait haute la dragée quand il fallait baisser devant le rien du tout des amertumes
j'ai gardé ce mot en réserve pour des temps où chacun continue, ça et là, à se faire regarder de haut, à se faire envoyer aux fraises, à se faire mettre à genoux par le savant ou le puissant.
Parce qu'on est une femme, une vieille, une jeune, une pas éduquée, ou mal éduquée
une, ou un, pas riche, pas connu, pas costaud, pas beau, pas malin
parce qu'on a du bagout, ou pas du tout
parce qu'on veut des explications, ou qu'on s'en fout
parce qu'on n'a rien pigé, ou au contraire trop bien compris
le latin insolentia se traduit par "inexpérience, étrangeté, caractère insolite"
c'est la langue française qui condamne cette marginalité du savoir ou du comportement, et la transforme selon les dictionnaires en "arrogance, hardiesse, insulte, orgueil, manque de respect de la part d'une personne inférieure ou considérée comme telle" (sic)
ainsi l'usage voudrait-il départir l'insolence de son humour corrosif et de sa bizarrerie qui refuse obédience au premier venu portant beau, à la pensée dominante, au formatage des corps et des têtes
qui dit, comme le vieux Montaigne " Si haut que l'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul"
donc. Soyons insolents
non méprisants, non insultants, non blasés
à l'envi répétons combien "le roi est nu"
même si c'est moi la reine,
ça me fera les pieds
ah! soyons insolites ! plus encore.
avant d'écrire ceci, je cherchais sur Internet des images correspondantes à "insolence"
il n'y avait que pub, et pub encore, pour un parfum très cher
qu'un cadre dévoyé pour récupérer la saveur et l'épaisseur des mots, et ne laisser qu'une trace imprécise, qui se monnaye et disparait
je pose sans vergogne, et mon inexpérience et mon étrangeté et ma tête insolite qui disent une vérité, nue
sans me croire nombril, mais tout juste habitante d'un espace que je voudrais égalitaire, divers, tolérant
dans la parfaite innocence de ma belle insolence
j'ai retrouvé ce bois peint ( qui n'est pas mon oeuvre) et le pied de nez qu'il semble faire à nos certitudes sans bavures
et moi je bave, et bave encore
je ne sais pas pourquoi
même si ça ne se fait pas
et j'y rajoute une langue, ah oui messieurs !