arrive un moment où plus rien ne compte que le poids de matière minérale,
ciment des muscles, air au goût de pampa, train de carcasse, rails qui tranchent l'horizon
on devient roche, on devient terre, pluie, nuages,
on devient poids de glace et de tourments qui tanguent au bout des doigts ralentis marquant le coup à coup des voies entre deux gorges coupées à vif
sang de l'Ande et de l'Indienne, tout entier ramassé dans la joue de coca qui martèle un oubli
l'Altiplano s'est soulevé à hauteur de mirage, sa côte de magma flottante au bord des lèvres maquillées d'aurore
Un poids de temps, un poids d'argent, un poids de chair sur les plateaux de la justice ancienne qui n'avait pas de nom
Le train de nuit, à l'écart des voies irréelles, dérape lentement, glisse sur le silence, s'immobilise
où l'on reste là, corps plié de sommeil évasif, corps métallique, aimanté qui se colle au sol criblé d'autres corps,
au dessus des fausses roues
au dessus de l'humus dérobé
au dessus du minerai au dessus du sel et de la mer enfuie
au dessus d'un rien de rien qui reste en équilibre
oscille infiniment à l'aplomb du fléau
Entre La Quiaca, Villazon, Uyuni, un ballot de chiffon jeté à contrevoie
est peut être l'enfant de mon rêve
qui sourit au néant
et qui s'endort enfin
depuis la frontière argentine jusqu'à Uyuni en Bolivie. environ 16h de voyage pour faire les 450 kms d'une traversée vertigineuse au bord de l'Altiplano
gare de Villazon ( frontière bolivio-argentine)