je n'ai jamais connu de ville plus masculine que Cuzco
son nom El Cuzco, que guetta le baptême, forcé par la flamme et les signes noirs que bavaient les Conquitadores
Cuzco restait alors, guerrier à terre, guerrier de murailles aux visages d'angles morts
nulle douceur en Cuzco, sinon celle d'un émerveillement rageur qui veut combler des plaies de fontanelle
El Cuzco sur le nombril du monde, fleuve de métal et d'indiens martelés, dévale chaque soir les rues luisantes et noires
je voulais écrire tout ce que Cuzco me donnait comme se donnerait un amant blessé qui ne sait s'accomplir, un amant châtré casqué de lumière verte
je lisais dans le Canto General, sur les hauts de Cuzco, ce qu'on lit dans les entrailles du temps
l'odeur sourde, la purulence, et la magnificence des lettres, des visages, des bijoux d'or patiné que l'Inca jette avec dédain sur la face grotesque du bourreau
je lisais avec mes pieds, cherchant la nervure des artères, des os, des ravinements de peau, dans l'entrelacs des chemins de Cuzco
je lisais sur le ciel embrasé du premier jour de l'an, où la fureur d'éclat, la fureur du jaune éclat fait renaître le soleil en plein minuit
je lisais une autre langue écrasée sur le basalte de Sacsayhuaman, perdue dans les fontaines de Tambomachay, gravée sur les remparts de Pisaq, une langue insensée qui ne sait pas me dire ce qu'il faut dire à l'enfant du passé
à l'enfant mâle disparu, comme tous les premiers nés, qui ne verront jamais le jour natif de Cuzco entre deux pierres de lave rose que déchire la croix d'une épée
le jour d'un autre jour qui donne sa naissance à la route de Macchu Pichu, à la splendeur d'une femme de pierre et de forêt matricielle que les lianes ont sauvé de la Foi
à la mesure solaire du Macchu Pichu
Au jour de l'an Cuzco se pare de jaune