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2 juillet 2009 4 02 /07 /juillet /2009 10:24
après les journées tropicales de juin, même en Bretagne où les nuits en plein air devenaient fréquentables, un orage est venu ramener le temps à des considérations climatiques banales...

que reste-t-il de la chaleur et du temps de cette entrée fracassante dans l'été ?

un goût acidulé de revenir, et le reste d'une douceur sucrée quand on ferme les yeux sur trois ans d'éloignement d'un pays qu'on a aimé

en quoi cela mérite-t-il d'être appelé "fatal" ?

ce goût édulcoré par le souvenir a laissé une empreinte sur la langue et les mots qu'elle invente
un jour le temps, un jour l'orage, un jour présent, un jour absent, un jour et un autre jour qui font des vies où tout se défait peu à peu, sauf la mémoire d'avoir été

j'aimais ce fatalisme gai qui ne se subordonne à aucun temps
il me ravissait de la lumière flamboyante à laquelle succède le soir, brusquement, sans aucune transition
il me donne, souvent encore, l'idée qu'attendre sa vie est vivre, déjà,
que ne rien faire, laisse la place à l'être de soi,
que rire de son malheur est l'éloigner, vraiment,
que la liberté n'est pas seulement dans le non à ce qui bride, mais dans l'élégante indifférence à ce qui est plus immuable que nos questions incessantes

un goût d'Afrique, un goût d'été ...
la vie fatale (fatalement) et la sagesse ardente du désir
dans une ombre d'arbre malmenée par le soleil où se dessine la trame d'un amour pendu aux branches, 
fruit mûr dont on attend qu'il tombe dans la bouche d'un corps altéré
... ou qu'il ne tombe pas

... ou qu'il tombe peut-être



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18 mai 2009 1 18 /05 /mai /2009 11:22
j'étais la semaine dernière dans le studio d'enregistrement d'une radio locale sur ma ville de Concarneau ( radio 5FM), pour parler un peu de mon bouquin
l'interviewer est un ami togolais vivant en France à qui, donc, indirectement, le livre "lettres d'anisara" peut s'adresser au premier chef,
disons qu'il sait de quoi je parle, et que son appréciation est d'autant plus précieuse pour moi

au cours de nos échanges il m'a fait remarquer une chose qui m'avait évidemment échappée, puisque je ne connais pas les subtilités des langues vernaculaires parlées au Togo

dans sa langue en tout cas ( Bassar) on ne dit pas :
"je m'appelle x... ou y.... "
mais
"on m'appelle x... ou y..."

la nuance a son importance car, comme tout ce qui touche à l'expression orale et à la construction grammaticale, elle est porteuse d'un sens qui reste caché à la première écoute

dans ma langue, je me nomme, je me définis et je me présente en tant qu'individu X... , donnant lui-même le sens et la définition de son propre moi, dont le devenir repose alors entièrement sur lui même, d'où peut être cet effet conséquent de solitude et d'errance face à certaines embûches de la vie

dans l'autre langage , je suis le fruit d'une résultante successive de noms donnés par mes parents, ma collectivité ou mes amis (surnom)
je ne me nomme pas moi même mais seulement par le don de nom qu'on m'a fait, et de tout ce qui va avec..
ceci pouvant impliquer du reste une forme de rigidité dans l'expression de mon devenir
par exemple si quelqu'un ne porte par le nom de la famille des griots ou des forgerons - j'ai entendu dire cela de la part d'artistes maliens je crois- je n'ai pas de droit légitime à exercer cette profession

il n'importe donc pas ici, comme en toute rencontre interculturelle, de donner des bons ou des mauvais points ou d'essayer de savoir si ceci et MEILLEUR que cela, mais de comprendre et d'accepter que nous, humains, n'ayons pas les mêmes représentations de nos insertions dans la vie sociale,
de nos rapports avec le temps, le groupe, la nature
ce qui est à proprement parler la définition même de la culture !

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10 mai 2009 7 10 /05 /mai /2009 20:02
j'étais il y a deux jours chez des amis libraires, des vrais, de ceux qui vendent des livres et pas des savonnettes de marketing préfabriquées en forme de millefeuilles de papier.
L'un me dit avec tristesse : on est obligé de réduire le rayon poésie, personne n'en n'achète, ni n'en lit plus ...

on constate pourtant que grâce à Internet et autres moyens de communication faciles, il n'y a jamais eu autant de poètes en herbe !
plutôt bien, alors, mais ...

il faut lire aussi
les grands et les petits poètes
pas seulement vouloir être lus, entendus, compris, appréciés, admirés mais
entendre, écouter, aimer, comprendre, apprécier, admirer

apprendre aussi, comme on apprend la menuiserie avec un maître artisan, ou la musique avec un bon accompagnateur
apprendre et travailler, apprendre et polir son langage, et chercher au delà d'une simple et personnelle expression à atteindre ce qui est la source commune des questions que pose la poésie
auxquelles elle ne répond jamais, car tel n'est pas son rôle

je ne dis pas que la culture populaire n'a pas sa raison d'être (celle précisément que véhicule Internet ), mais qu'un texte de poète est tout sauf facile, limpide et immédiat

la poésie ne sert à rien, certainement, elle n'a pas de fonction thérapeuthique ou d'ambition de communication
elle EST

elle est elle-même la forme la plus aboutie, sophistiquée, peut être, et mystérieuse de ce qu'un esprit humain est capable de faire avec le langage
et pourtant, à cause, ou en dépit de cette incertitude qu'elle véhicule elle apporte souvent des lumières inattendues sur ce qui est obscur, douloureux et tellement humain

si un soir de tristesse, ou d'angoisse, vous écrivez sur vos cahiers secrets la source de vos désespoirs, vous aurez fait un pas
si vous ouvrez un livre de poésie, vous sentirez sur votre tête se poser une comète qui ne dit pas son nom,
mais qui déchirera la nuit de vos souffrances par un trait de joie pure

vous dites : peut être ?
essayez ESSAYEZ !

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7 mai 2009 4 07 /05 /mai /2009 10:56
des jours où le voyage ne donnera plus la clef
des jours sans vie où les ombres épaissies marchent sur nos têtes béantes

des jours longs comme des jours sans pain, sans faim, sans devenir

jour vide est le froid d'une âme encerclée de silence

mais
autrefois à Kara, quand le froid revenait , toujours il y avait

un coq qui chantait le matin
une langueur sirupeuse du jour pour redonner couleur au sang
un rire de gamin
une main noire autour du thé brûlant
un surplus de vivant pour conjurer les morts
un écho de fête à travers la poussière

partir ! partir ?
et retrouver le monde au bout de soi
alors quoi ?


un jour .. ou l'autre ...

consolez moi de tout




fête culturelle des collèges - avril 2006




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19 janvier 2009 1 19 /01 /janvier /2009 14:57
en choisissant l'image publiée sur ce blog  le 13 janvier, celle de mes petits voisins togolais lorsque je vivais en 2006 dans une maison amie, j'ai été saisie par l'acuité grave des regards qu'ils offraient à ma prise de vue:

tous regardent intensément l'objectif
aucun ne sourit
me suis-je demandé ce qu'ils ressentent à ce moment ?

en relisant longtemps après les images des moments vécus et fixés sur la mémoire de l'appareil, on sent bien qu'elles ont enregistré une toute autre mémoire que celle dont on croit se souvenir

peut être est-ce à cela que servent les photos de nos voyages ?
plus qu'à réveiller nos émotions qui ne sont pas inscrites en nous seulement avec les yeux
plus qu'à exalter la beauté cachée des visions quotidiennes qui ne nous enchantent plus
plus qu'à objectiver le temps volé d'un instant arrêté
(mais à tout cela aussi)

les images d'un ailleurs qu'on a seulement traversé nous dévoilent en apnée la profondeur d'une vérité qu'on oubliait de croire possible
photographier les regards, photographier les corps, photographier les constructions humaines...
c'est cette révélation, au sens photographique du terme que comprendront cela seuls qui ont usé autrefois du révélateur sur l'argentique, ou au sens quasi religieux dont on nous a bien cathéchisé (et que comprendront cela seuls qui ont eu droit à la "bonne éducation" !), cette révélation donc, fait apparaitre au fil du temps, du regard qui s'éloigne, une lecture dont l'évidence s'affirme peu à peu et qui raconte une autre histoire que celle à laquelle on a cru être mêlé.

reprenez vos photos de voyage et relisez les !
quel nouveau monde vous apparait alors dans les détails de l'ombre qui jaillissent enfin à la lumière du temps ?

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2 janvier 2009 5 02 /01 /janvier /2009 19:26

au jardin ce matin sur le chemin d'une autre année, un pois de senteur échappé de l'été capricieux, un camélia rabougri qui peine à annoncer des printemps sans couleurs
croisement aléatoire en demi teinte dans le regard louchant sur nos avenirs

je n'ai que faire de ces voeux soucieux et tendres qui rendraient les humains fréquentables, je ne dis pas que je les refuse: je ne sais qu'en faire, ou ne sais plus en faire ...
le grave serait de se replier frileusement au vu des douleurs certaines qui attaqueront en piqué malgré  nos voeux en guirlande, ou d'ouvrir le parapluie en espérant que la foudre tombe sur le voisin

comme les fleurs perdues nous sommes d'une autre saison, et pourtant subsistons, résistons, continuons à brailler nos mots de rage et nos questions en crachats de terreur, à clamer nos envies de beauté contre toute arrogance



alors, ne soyons pas modestes !

dépassons la logique des saisons, ouvrons la perspective des impossibles qui n'ont aucune chance d'arriver mais que deux fleurs déboussolées rendraient imaginables

 

comme on dit : trop c'est trop

trop de bombes sur Gaza, trop d'autosatisfaction, de mépris, trop de cris ravalés, trop de comptes numérotés, trop de malheur, d'aveuglement et d'injustice
la crise de foie qui parait-il n'existe pas hausse pourtant le coeur de celui dont on voudrait qu'il n'existe pas

... et si l'on se donnait aujourd'hui
la colère habitée, la voix haute, les hommes debout, les ombres qui sortent de la nuit, les amours solaires et les vérités en étrennes
enfin presque...

 

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23 décembre 2008 2 23 /12 /décembre /2008 14:56
quand on est loin de ce qu'on aime,
de l'harmattan et des nuits habitées de songes
on se console chez nous
de lumières jaunes arrimées au bord de l'océan
qui nous lâcheraient là bas, dans un sursaut du rêve

il arrive que le rêve soit beau comme ce qui l'a fait naître



c'est la ville de Concarneau - Finistère - le 22 décembre 2008

Balises verte et rouge
Saute saute les Moutons
La passe où rien ne bouge
A l’aube des remparts
Emporte le jusant

Sur le bras du chenal
La ville qui s’endort
Pose sa tête grise
Vers l’arrière du port
Et le dernier fanal

CANTATE MARINE - 2003

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22 novembre 2008 6 22 /11 /novembre /2008 18:32

on me dira peut être, pourquoi ne pas donner à chacun de quoi manger à sa faim... et pour le reste on verrait ensuite ?

j'ai écrit ce livre pour dire cela, que la faim qui torture le miséreux n'est pas que la faim elle même mais l'espace réduit où s'enlise sa dignité de penser son destin quand la faim le contraint à n'être qu'un ventre sans oreilles

mes jeunes amis savaient dire cela avec beaucoup de grâce, et de remords ! 

mais que pouvais je y faire ? je ne suis ni cultivatrice , ni ingénieur agonome ... et puis de la nourriture il y en a, potentiellement, assez pour nourrir le pays ou la terre entière, ce qui manque sont les moyens de pression pour obtenir justice, ce qui est baillonné c'est la parole qui exigerait son dû au lieu du regard qui se tait

 

j'ai découvert en rentrant au bout de quelques années, qu'un pédagogue brésilien dont j'ai déjà parlé - Paulo Freire - avait construit une pédagogie des opprimés sur la question de l'éducation à l'autonomie et à l'émancipation, et que cela passait toujours par l'accès à l'écriture afin de devenir enfin, "auteur de sa vie"

la pratique artistique que nous avons, avec notre association, proposée et croisée avec d'autres pratiques dans le cadre des chantiers à Kara, n'avait pas d'autre objet :

 

" .../ Car ce que j'écris est aussi un peu le miroir de ce qui m’a été donné, oui, c'est un miroir, une réponse, et en même temps une démarche. Le fait que je me sois mise à écrire ce texte, comme je l'ai dit, je le fais pour moi, je le fais pour eux, mes jeunes amis, je le fais pour d'autres, mais c’est un acte qui répond aussi à d'autres actes dans la pédagogie que nous avons mise en place ensemble : une pédagogie de l'écriture, cette écriture qui permet de devenir auteur de son avenir. Par l'écriture et non seulement par le savoir."

(entretiens avec P.Taylor - 2006)

 

Sur Paolo Freire :

 

Paulo Freire était lui-même un homme de contradiction, exactement comme sa pédagogie qui est une pédagogie de contradiction. "Laissez-moi vivre mes contradictions", disait-il. Il est donc peut-être inévitable que nous aussi serons conscients de nos contradictions, ici et maintenant, dans les rapports entre nous, dans ce lieu chaleureux, dans la forte et réelle convivialité de nos échanges, parce que nous ne sommes là que pour explorer, à notre façon, la ou les pédagogies des opprimés.

Ecouter les gens opprimés, ceux qui habitent la culture du silence, c'est écouter la voix de la souffrance, écouter les gens exclus et méprisés; c'est trouver le regard de ceux qui ont été rendus invisibles; c'est reconnaître ceux qui, par leur passé ou par leur présent, ont une connaissance d'oppression de première main, mais pour l'avenir n'ont que des rêves d'occasion....

 

J'insiste sur la notion que la pédagogie des opprimés est une pédagogie poétique de l'écriture et non pas principalement une pédagogie de la lecture.

Et ceci pour une raison fondamentale: on ne libère pas par la lecture. Les gens illettrés sont un problème moins parce qu'ils ne savent pas lire mais parce que, en tant qu'illettrés, ils ne sont pas gouvernables. Pour être gouvernable, il faut que tu saches lire. Parce que, moi, j'ai des choses à te dire. C'est seulement quand tu sais écrire que moi, il faut que je lise ce que tu as à dire. C'est en devenant auteur, écrivain que l'on commence à écrire le monde. On adresse le monde: on s'adresse au monde, on redresse le monde. Je me méfie alors beaucoup des programmes contre l'illettrisme ou l'analphabétisme qui se contentent seulement d'aider les gens à lire. Ils risquent de former des individus qui ne savent que 'lire les instructions'. Un tel projet éducatif d'alphabétisation est plutôt un projet politique d'apprivoisement.

Quand Freire insiste sur le fait que nous sommes des êtres historiques, des gens qui font leur propre histoire, c'est cela qu'il veut dire. Il y a une différence importante en jeu, entre le je qui dit "je lis" et le je qui dit "j'écris" . Le concept et la pratique même de dialogue n'a du sens qu'entre deux je-écrivains.../

 

Paul Taylor - conférence à Evora http://www.barbier-rd.nom.fr/pedagocaresse.html


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13 novembre 2008 4 13 /11 /novembre /2008 23:35

Pour ceux qui ne le savent pas, l'Harmattan est un vent extrêmement sec et chaud qui souffle entre les pluies de mousson et du temps très chaud, très sec et pas venté du tout
la saison de l'Harmattan au Togo correspond à peu près à notre hiver, c'est une saison que je ne connais pas (encore)...
Pourquoi parler de cela ?
l'Harmattan est aussi un éditeur (sec et ....??) de littérature et d'essais centrés principalement sur L'Afrique
On ne peut pas dire que les rapports avec leurs auteurs soient empreints d'une considération très tendre, peut être en est-il souvent ainsi dans ces milieux...
néanmoins on trouve à la librairie de l'Harmattan, 16 rue des écoles (Paris 5è), tout ce qui peut exister de plus improbable, de plus étonnant, et de plus rare sur l'Afrique, ça peut donc valoir le coup d'y faire un saut si l'on ne manque ni de temps, ni de courage
on pourrait dire que cet hommage de ma part est pour le moins mitigé, mais il était nécessaire et honnête d'y faire référence ... après tout c'est mon éditeur, et il m'a offert une chance en faisant paraitre mon bouquin dans la collection "études africaines" qui présente un catalogue intéressant et dont la ligne éditoriale (voir ci dessous) est a priori séduisante, et correspond bien, a posteriori, à mon projet d'écriture ...
alors , merci à eux

... pour se faire plaisir, auparavant, une photo de saison sèche : la poussière est due aux danseurs et non au vent !



Etudes africaines
Directeurs(trice) de collection : François Manga-Akoa, Denis Pryen

La collection Etudes africaines (Interdépendance africaine) est ouverte à toute personne désireuse de participer intellectuellement à la transparence de l'information circulant sur l'Afrique. Oeuvrer pour la paix, la sécurité et le bien-être des populations les moins privilégiées et sans voix ne peut se faire sans soutenir la pensée critique et alternative sur l'Afrique.

Dans un monde de plus en plus interdépendant, les Africains doivent trouver dans cette collection des repères pour mieux se positionner dans un monde de compétition et de performance qui laisse, sur les bas-côtés, les faibles et ceux qui tardent à s'organiser collectivement. Dénoncer la "ventrologie", la non-transparence et l'impunité, c'est oeuvrer pour l'avènement d'une société de confiance. Les droits de l'homme, de l'enfant et de la femme dans une telle société, de conception universelle, la laïcité serviront de fondement à la préservation des libertés, et la religiosité ne pourra servir de justificatifs pour retarder, ou neutraliser, l'interdépendance des synergies fondatrices d'une Afrique interdépendante.

Il importe aussi de rendre les ouvrages accessibles au lecteur moyen vivant essentiellement dans les pays à revenu faible, dont plus de 500 millions d'Africains au sud du Sahara vivant avec moins de deux Euros par jour en 2002 et probablement plus de 618 millions en 2015.

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12 novembre 2008 3 12 /11 /novembre /2008 11:11

un ami m'écrit il y a quelques jours à propos du livre :

"D’abord, avant de commencer, un sentiment un peu gêné, parce que je te connais, l’écrit c’est si intime, et comme en plus ce n’est pas une fiction.
Et puis, aussi, en commençant, parce que je lis des lettres que tu écris à d’autres gens, et je me retrouve voyeur de ta correspondance. Mais j’imagine que ça fait partie de ce qui sous tend cette écriture..."

il est donc ici question de cette "mise à nu" à laquelle on convie un jour des gens qui sont, ou ne sont pas, nos amis, que l'on connait, ou non, que ce soit sur les blogs, dans les pages des livres ou les poèmes qu'on glisse furtivement un jour dans la poche d'un  éditeur de revue
ou pas du tout furtivement au contraire, mais avec un sentiment (rayer la mention inutile) : - d'urgence - d'autosatisfation - de besoin de reconnaissance - de conscience de sa valeur - etc etc. 

encore que ce "besoin" de parution puisse s'accorder à n'importe quel type d'écrit, lorsque l'écrit en question met directement en prise son auteur et son histoire personnelle, le sentiment peut l'emporter chez le lecteur qu'on perd de vue l'objectif littéraire, ou la valeur du témoignage, pour se trouver confronté à un étalement gênant voire à un exhibitionnisme complaisant...

je ne peux pas réfuter cette impression qui est le privilège de l'appropriation du texte par son lecteur
je veux dire cependant que, curieusement , en tant que lectrice (un vieux fond de puritanisme catho dirons certains) m'insupporte le passage à l'intime dans les écrits publics

alors ?  encore une contradiction avouable ?
non !

je fais une grande différence ( mais cela n'engage que moi) entre mise à nu et exhibition, entre intime et personnel, entre témoignage et voyeurisme

en rendant le lecteur du livre témoin de mes écrits épistolaires je n'ai pas le sentiment de trahir qui que ce soit, car à la vérité les lettres réelles que j'ai écrit à ces mêmes personnes avaient un autre ton, en ce sens on est bien dans une sorte de fiction narrative, quoique je m'en défende : parce que ces lettres sont pour la plupart collectives, elles s'adressent à qui les reçoit et donc par un procédé peut être un peu trop "fictif" justement, à un lecteur qui n'en est pas le destinataire

enfin si je parle beaucoup de moi, je me place délibérément dans une perspective historique (croisement d'histoires comme il est dit quelque part) non d'histoires inventées mais de chemins, même réinventés, tracés dans un passé qui n'appartient pas seulement à moi, chargée d'une mémoire qui n'est pas ma seule mémoire.
en dehors de cela, on ne trouvera pas un mot, je crois, sur mon intimité vécue
je reste, de ce point de vue dans le personnel et non l'intime, comme je l'ai dit plus haut. J'y ai prêté une très grande attention, afin de ne pas franchir la limite que je m'étais autorisée, et que pouvaient m'autoriser tous ceux dont je parle !
respect de leur image que je ne veux pas impunément voler.

c'est la différence qu'il y aurait à se mettre très exactement nue devant des gens (dans mon métier de comédienne je l'ai fait sans aucune gêne), et à faire un strip tease devant un homme qu'on aime

la simple nudité est belle, que nous partageons tous si nous le voulons 
c'est le fond de notre humanité, et notre impossible tension vers l'absolue sincérité : nudité physique ou senti-mentale, je ne fais pas la différence.
si l'au delà de cette limite n'était pas réservée à quelques uns, cela s'appellerait prostitution !
et même par écrit, ce serait, pour moi, le comble de la vulgarité !

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29 octobre 2008 3 29 /10 /octobre /2008 20:33
ceci est la conclusion d'un entretien que nous avons eu Paul Taylor ( mon "préfacier" ... voir article du 21 octobre), et moi avant la publication du livre.

dans notre esprit il était question d'accompagner le texte d'un ensemble de réflexions qui pouvaient ouvrir la voie à une pédagogie de la rencontre interculturelle.
ce projet arrivera peut être un jour à sa concrétisation, en attendant j'ai eu envie de faire partager l'aboutissement de cet échange :

Lorsqu’on travaille seul, il est difficile d’être conscient de la véritable distance à laquelle on regarde ce qu’on a créé. Le regard d’un autre que soi nous oblige à confronter à notre vision de l’intérieur, une autre vision très externe de l’objet qui n’en est pas moins porteuse de légitimité, de pertinence, et nous révèle bien des aspects plus ou moins explicites de nos représentations, et des mots que nous utilisons pour les décrire. En ce sens c’est déjà une approche féconde que celle de cette «double vue». En pratiquant cet exercice j’ai compris quelle correspondance cela pouvait avoir avec le sujet de cet écrit, qui est l’analyse affective et effective d’une rencontre avec l’étranger, donc par-là même cet étrange que je suis pour moi, et pour les autres.

Cela m’a également appris, entre autres choses, que j’acceptais en définitive d’assumer un rôle pédagogique, ou plus exactement un rôle de « passeur ». À condition toutefois d’interroger sans complaisance ma propre pratique. Et surtout de ne pas concevoir l’éducation comme la seule dispense de connaissances plus ou moins répertoriées, mais comme échange permanent de savoirs multiformes, multicolores, et parfois même tout à fait  inconnus des deux protagonistes en présence. Jusqu’à ce qu’ils s’aperçoivent qu’un tel savoir n’a pu naître que de « l’entre deux » et pas seulement par transmission de l’un à l’autre.
Ce que tu dis qu’il faut « inventer » dans la relation.


Ceci m’amène d’ailleurs à interroger le domaine des savoirs et des compétences, de ce que tu appelles parfois « saberes populares », qui englobent les apprentissages du cœur, de l’émotion,  des sentiments, des intuitions, des savoir-faire. C'est très réconfortant pour moi de sentir prise en compte ma façon de voir les choses, comme un savoir authentique, et non pas seulement comme une description vaguement poétique d’une réalité complexe. C’est justement parce que cette réalité est si complexe que nous avons besoin de tous ces savoirs-là, comme une multiplication d’images qui créent en fin de compte la vision 3D la plus complète possible de cette réalité.
 
Je dirais que pourtant, il ne suffit pas de connaître cette vision multiple d’un objet autre, pour le connaître exactement. Je discutais de cela avec un ami poète récemment, et il me disait de ne pas oublier que cet objet / autre - inanimé ou être humain - a lui aussi une vision de moi, qui fait donc partie intégrante de la connaissance ou du savoir que je peux appréhender de lui, et sur lui.
Cela rejoint tout ce que nous avons pu dire sur la construction d’une co-culturalité, qui est une multiplication des perspectives, en même temps qu’une parfaite reconnaissance de la subjectivité de chacun.
Ceci me donne à penser que pour construire ensemble de la transformation et de l’amélioration dans toute société, nous avons absolument besoin de rassembler, mais certainement pas d’uniformiser les modes de penser, d’être, de sentir.
Nous avons besoin de ressentir et d’exprimer à notre façon ce monde que nous sommes. Mais que ne nous possédons pas.
Ce monde est nous, il n’est pas à nous.


Si je privilégie l’action engendrée par la parole poétique, et par la pratique artistique, à mon sens, et en toute humilité, c’est en raison de cela : changer ses angles de visée, être soi-même à la fois le monde qu’on dit, et celui qui nous parle. Cela ne se fera pas sans y mettre l’intelligence du cœur, la sensibilité, l’amour. C’est le sentiment seul qui peut traverser l’épaisseur des étrangetés et des langages ignorés, pour aboutir à ces savoirs que nous n’avons pas encore découverts. Sur nous-mêmes et sur l’extérieur de nous-mêmes qui est aussi le monde, que nous le voulions ou pas. Cette approche poétique du monde, en ce sens, révèle le caché et obscurcit les évidences : c’est une façon très salutaire,  de mon point de vue, de travailler sur le réel.

Travailler avec des personnes issues d’autres traditions culturelles, est une immense richesse. Notre difficulté est que nous pouvons définir des objectifs communs en terme de politique, d’humanité, de morale, de société, mais que nous n’arrivons pas toujours à travers nos langages différents (je considère la culture, en soi, comme un langage symbolique) à recouvrir exactement les mêmes idées, perspectives, ou idéaux, ou les mêmes envies avec les mêmes mots.
Donc nous parlons de voix multiples, ou nous marchons sur des voies multiples.
Alors ce que nous apprenons ensemble, qu’est-ce que c’est ? J’appelle ça polyphonie, harmonie, orchestration. C’est cela qui est beau, non ? Et comment l’apprenons-nous ? Par la pratique, parce que nous faisons quelque chose en même temps. Sans être sûrs de réussir, en prenant les risques inhérents à toute entreprise nouvelle, en déroulant patiemment le fil de ces évidences sémantiques qui ne sont évidentes qu’à la pensée unique.


J'ai mis en ouverture du texte « Ani sara », cette phrase de Paolo Freire :  L’éducation est la pratique de la liberté. Aujourd’hui, je comprends mieux ce que cela implique. Il ne dit pas que l’éducation est l’apprentissage de la liberté, mais la pratique. La liberté n’est pas un don, une transmission ou un objet  pédagogique. Il faut la vivre, et ne pas la vivre seul. C’est peut être ce que j’ai essayé de faire, sans même en avoir eu conscience, au départ tout au moins, dans ce lointain village de Kara Sud en dépit des orages menaçants qui pèsent sur nos tentatives.

C’est peut-être ainsi que je bouclerai la boucle de mes découvertes.
J’ai écrit ce texte seule, mais je l’ai fait dans l’accompagnement constant d’autres, lointains, qui sont mes amis.

Je n’ai pas beaucoup parlé non plus des relations manquées, des nœuds indénouables, des conflits pas résolus. Il y en a eu bien sûr, et je suis certaine que cela m’a aussi appris bien plus que je ne le dis.
Si je n’en parle pas, ce n’est pas par optimisme excessif, ou tentation de falsification, mais avec la volonté de dégager en priorité les chemins où nous pourrons apprendre les uns des autres, les uns avec les autres, comment mettre en œuvre ce que nous espérons, et que nous ne parlons cependant pas de la même façon, malgré des mots identiques en apparence… Justice sociale ? Egalité ? Liberté ? Bonheur ? Fraternité ??? 




Je pense à cette curiosité géométrique qui s’appelle « ruban de Moebius », figure à double face qu’on parcourt d’un seul mouvement, qui n’est ni un cercle, ni un cylindre, ni une figure naturelle, sauf qu’elle existe sensiblement, tangiblement, par la réunion indivisible de surfaces qui sont deux et une à la fois, et dont on ne sait plus laquelle est à l’intérieur ou à l’extérieur de l’autre. Pour construire concrètement une telle figure, il faut cependant à un moment faire accomplir à la surface plane une ou plusieurs boucles, avant de la réunir à sa propre extrémité. Toute vraie rencontre pourrait ressembler à cela...

C’est une image qui peut sembler complexe, mais elle est pour moi poétique au sens que j’ai noté plus haut : c’est à dire symbolique de la connexion apparemment impossible, mais néanmoins effective, des différentes surfaces dont nous sommes constitués.  D’individu à individu, mais aussi en chacun pour lui-même, intérieur/ extérieur, et dans chaque rencontre inter–culturelle, inter–sociale, inter-nationale.

Je crois t’avoir entendu dire que « toute rencontre est profondément interculturelle »  garderons-nous cela pour la fin ?

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21 octobre 2008 2 21 /10 /octobre /2008 16:29
on ne parle guère de celui/celle qui a eu la tâche de présenter le livre
pourtant le choix de celui/celle qui rédige cette préface est rarement anodin.

il/elle a souvent participé à l'élaboration du processus d'édition, pour avoir aimé le livre avant qu'il ne paraisse, pour avoir fait confiance à son auteur, pour l'avoir encouragé et soutenu quand c'était plus que nécessiare.

je rendrais donc cet hommage mérité à mon préfacier.

prof et chercheur à la fac de Rennes dans le domaine des sciences de l'éducation, il a accompagné pendant trois années une Recherche Action "Réinventer l'international" qui est aussi une des origines de ce bouquin, et dont je reparlerai par ailleurs.

parce qu'il connait l'Afrique dont je parle, parce qu'il sait ce que c'est qu'être à cheval sur plusieurs cultures en se ressentant parfois comme une sorte d'étrange étranger aux multiples attaches, il a compris ce que d'autres ne comprenaient pas au sein du groupe dont nous faisions partie. C'est cette évidence qui m'a amenée à lui demander de lire mon manuscrit, et c'est parce que cette évidence l'a touché qu'il a accepté de m'aider à le publier, et qu'il l'a préfacé.

il n'y a rien d'autre à dire : c'est le petit coup de pouce du destin qui doit quand même, un peu, à la lucidité qu'on a parfois de s'adresser aux bonnes personnes quand il le faut.

voici un extrait de cette préface de Paul Taylor qui explique également le titre du livre

/... Dans la confiance de cette rencontre vécue, Dominique Dieterlé partage ses réflexions avec des jeunes Togolais. Elle est, sans vouloir l’être, l’Ani Sara, la femme blanche. D’antan ce mot se référait aux colonisateurs qui, s’ils n’étaient pas militaires, étaient pour la plupart, médecins ou missionnaires. Dans plusieurs langues africaines, est appelé ‘Anisara,’ un Nararène, autrement dit, un chrétien, un disciple du prophète de Nazareth.

Dans ce livre, et dépourvu de ce sens religieux, l’Ani Sara connote les carrefours de familiarité et d’étrangeté où se construit cette rencontre; entre une femme, blanche, française, et des jeunes adultes, noirs, togolais; entre une langue coloniale récemment adoptée et des langues maternelles millénaires; entre un pays riche et celui qui est censé être ‘en voie de développement’; entre un monde forgé par les nouvelles technologies, la science et l’individualisme, et un autre monde plutôt communautaire, marqué par l’oralité, la tradition, et la sagesse./...


Peut-être toute rencontre humaine est interculturelle ?

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  • : Chroniques, poésies, photos, créations pour illustrer mes voyages, mes rencontres avec les humains solidaires, avec l'Art et les cultures, ici et partout ailleurs. Livres parus à ce jour : "lettres d'Anisara aux enfants du Togo" (Harmattan), "Villes d'Afrique" et "Voyager entre les lignes" (Ed. Le Chien du Vent)
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