(lambeaux de mémoires post-mortem)
ce que je vois du monde à présent
ce que je vois du monde je l'ai appris
de l’aube qui étire ses bras de laine
et les fils tricotés des brumes ralenties
que je dévide à ne savoir qu'en faire,
des étoiles tombées
du halo d'un matin comme les autres
je ne comprends pas ce qu'il raconte à la lune
je ne peux pas boire à la source
tarie. Je demeure
au seuil du mystère
et du jour qui renaît
sans savoir pourquoi. Lui non plus.
à la mémoire des enfances cousues de fil blanc, où l'on traçait sur les cahiers de grands signes en bataille
et tout au bord des dentelles fripées d'autres histoires, une poussière de diables et d'anges retenaient nos alarmes, le temps qu'il lui fallait
c'était peu de chose, en somme, que ces chiffres minés sous les morts venus d'on ne sait où
il n'y avait pas de revers au col fermé des mâchoires de papier
juste une flamme, juste un éclat, malgré les gros points du mensonge qui faufilaient nos tentatives d'évasion
juste une vieillerie à la sortie de chaque placard
maintenant que les dents sont usées
s'il fallait qu'un seul jour nous ramène à l'histoire
s'il fallait que l'histoire brûle jusqu'à nos mains
s'il fallait que le ciel soit séparé de l'eau
s'il fallait que le temps n'attende plus aucun geste
et que nos gestes ignorent de quoi se meurt le temps
s'il fallait ne rien dire ou bien changer de mots
s'il fallait que le jour indécis retienne sa clarté
bien au delà, bien en deçà
s'il fallait que seul le gris nous reste
comment parlerais tu des mille soleils ?
mémoire d'Hiroshima - 9 octobre 2015
c'est l'ombre de l'épaule
et la ténacité du parcours qui ne cesse de retourner à sa source
c'est un arrondi de mémoire
où chacun se renferme sans poser de questions
malgré les déchirures, les amertumes, les songes creux
et puis encore, encore,
le chemin des bras retient le berceau et la terre
où s'est fiché le temps,
où s'est fiché le camp des vagues scélérates,
qui joignent leurs sillons durcis au dessus du naufrage
un espace labouré dont on ne sait
s'il coule ou s'il demeure,
de loin en loin, d'os en os
de sang noir en sang noir
dont la couleur n'a rien à faire
sinon une monnaie donnée au sacrifice
de ce qui viendra après coup
petit poème paranoïaque
on dit que les sages et les fous aiment le désert, assujettis à la pauvre poussière du minéral
on dit que nous faisons mourir à petit feu ce qu'ils appellent diversité
on dit que les forêts grimacent de sortilèges assoiffés
on dit des mots à voix secrète suintant des luttes sans merci entre la voracité du Vert et nos appétits d'autres règnes
ah ! moi je dis que tant de vert nous empoigne et nous déborde, qu'il fait naitre des bras menaçants au bord de nos sentiers
qu'il balance à la dérobée des tentacules de vampire contrarié et des impatiences ricanantes
je cherche le silex, le sable, l'eau casquée de nos vains combats
mais c'est encore lui qui nous gagne et nous étouffe, qui nous gave de prairies grasses
où l'on se perd, encore une fois
encore une fois
sans qu'aucun caillou blanc nous montre la sortie
forêts corréziennes
textes un peu anciens ... dont l'écho ne s'est pas perdu
La vieille femme a dit : merci, fils de m'avoir si bien remplie
Pendant que moi je suppliais: ne nourrissez pas , s'il vous plait, la bête de l'Intérieur
L'Intérieur raconte le pied sur lequel on a commencé à danser
Remplir - ou vider - taper en cadence pour faire sortir l'encombrement ou - bourrer un espace sans fond que le temps ne retiendra pas, de toute façon.
De quel coté avons nous commencé le pas de deux ?
Femme : destinée au plein ? Homme: consacré au vide?
Ah, laissez moi cracher les simples vérités, ai-je encore crié, tandis que la vieille femme sans mémoire souriait, et plus elle semblait claire, plus je vomissais et la bête, et l'Intérieur, parcourue d'eau salée, humide et rosée de froideurs printanières, balayée de vents sans accrocs
Qui pense à l'Intérieur comme vide inconséquent ne finira pas de s'apesantir, mais ne sera ni terre, ni sable, ni roche
Rien que le mensonge d'une fertilité recomposée, toujours inutile, éreintée de promesses
Tandis qu'un autre restera droit de transparence et de refus : pas de richesse, pas de matin vorace, pas d'entonnoir pour forcer le gavage
Néant d'un corps écorce, d'où suinte alors parfois,
Une faible laitance, une gomme de mots silencieux, une larme unique
Et désolée