un temps de jonquille
un parfum d'herbe coupée
le jour s'illumine
ah! mon camelia
constellé de bouches roses
chanson de printemps
j'ai vu ses couleurs
enlacer le bleu de mars
devant ma fenêtre
D'autres haïkus, de toutes les saisons sur ce lien
ce pourrait être comme si
un bateau se détachait du port et tombait, et tombait
comme ne tombent jamais les bateaux
qui s'éloignent et se perdent au delà, mais de quoi ?
dans ce rêve il n'y a
que des chutes des trous des regards au fond des puits
ah ! mais n'allez pas croire que le noir est sale, que le fond est humide,
que la chute est une chute
sans issue
ce serait comme si
la porte se détachait, comme le bateau, comme le port, comme la ville
porte de silence échappée vers la sortie d'une impatience
affranchie de tout remords, de tout ensemble
radeau sans attaches chuchotant des promesses des nouvelles
des certitudes irresponsables
avec quelle legèreté, quelle inconséquence
ce sera comme si
les mots devenaient chaque seconde plus forts de vérité
chaque fois plus concis, plus émus
et plus seuls
une vie se vide proprement, lavabo inutile,
ne reste que l'émail sur la dent, sous le rire
ne restent que l'appel, les sens affolés, les chemins perdus
que la tourbe et la fleur du fumier
que le vent
et le trait de l'absente
délivrée
je ne fais pas de politique
je suis politique comme nous
comme tous qui, sans le savoir,
sauf enfant loup, enfant sauvage, enfant non social, non sociable
comme lui qui
au coin des rues faisant la manche
pleure de temps mal soigné, mal épaulé
comme la femme abusée
et lui
sa carcasse vautrée sur trois putes arrosées de champagne, il fait semblant de l'ignorer
mais...
comme tous
animal, au souffle politique, qui tire à vue, qui tire au sort
là où le sort n'a rien à voir
rapport de force ou soumission, transport ou abjection, immobilité ou entreprise
tous, donc,
et ce que j'en dis, moi, depuis le temps que les mots cherchent la sortie
cherchent à s'écrire avec le sang et la bataille
à coup de machettes ou de poings américains
ce que j'en dis ne verse pas dans le fossé, ne pourrit pas dans la poubelle des mémoires, ne s'écarte pas de la route
ce que j'en dis est bitume noir imbibé de colère
car il n'y a pas de mots qui ne disent
le poème écrit avec ce sable de l'histoire, avec ce monde social qui gicle entre les pierres
car le poème n'est rien s'il n'est pétrit de l'homme aux mains inutiles, aux machines rouillées, aux terres infertiles, aux trop-plein d'indignité
car le poème n'est rien s'il ne dévoile la coulée d'or sans vergogne sur les yeux morts du Capital
Valparaiso 2011 con Pablo neruda
Revenir à soi, quelquefois, dans le tourbillon des esprits croisés; comme on dit des ligaments croisés, ceux qui nous font plier la jambe. Revenir à soi... ne pas plier !
Paris s'enivrait de signes aléatoires
j'étais là, il y a longtemps,
ou dans un autre présent
ne sachant plus mesurer le temps, le bruit, le froissement des feuilles
le sable se dérobait sous les pieds
ne révèlait pas de chemins neufs, de cavités secrètes
mais des duretés de basalte qui prenaient toute la place
et brillaient comme des miroirs
Tout ce qui fait taire les chuchotis de complaisance
contient l'essence des arbres morts
qu'un printemps verra toutefois renaitre, comme il se doit
les lames de fond tranchent des noeuds sans histoire aucune
et laissent filer aux nuages le verbe haut des incertitudes
les mots bouclent vers l'intérieur du crâne
envers de cheveux, envers de fourrures,
envers de villes lascives,
envers et contre tout ce qui dérobe la légèreté souveraine des instants
il n'y a rien d'autre qu'un peu de vapeur qui fait son chemin
mais
je n'ai pas dit mon dernier mot
je viens d'un temps soucieux de sa couleur
d'un monde clos qu'un seul poing a brisé sur ma nuque
je venais de partout et ne savais pas
ce qui en sortirait
le soleil était une rose vivace
et ses membres s'étiraient jusqu'à la mer sans calcul
je vins et ne revins pas, et ne retournai pas,
et ne refusai pas le vent
d'où le ciel sortit en abondance
je m'évadai
et tout s'arrondit en silence
les histoires traversent les livres comme elles traversent les nuits
elles nous rendent insomniaques en s'écrivant à la vitesse de la lumière
même quand la lumière en est absente
puis vient le matin, dépot de feu froid,
comme lorsqu'on referme le livre et son épilogue inutile
où tout est dit une bonne fois
pour toutes
qu'on les invente soi même ou que d'autres nous les offrent
les histoires tournent en boucles dérisoires
ce que nous ne savons faire de nos vies
elles dessinent des lignes de fuite qu'on osera jamais emprunter
des phrases qu'on n'osera pas prendre au mot
parce qu'elles ont été, elles aussi, refroidies dans l'air du temps
au moment où l'on sait que cet imaginaire
n'est qu'un potentiel vide de toute exécution,
quelque chose se détache et donne envie de jeter le livre,
de masquer la dernière page sans connaitre la fin,
ou de se lever enfin, sans vouloir plus dormir
je ne veux pas d'une écriture qui se substitue à la vie
d'histoires qui poussent leur tête hors de mon corps
comme des enfants morts nés
je ne veux pas de romanesque
d'inquiétudes piégées par des mensonges captifs
qui nous regardent en ricanant
de ces personnages habillés de lettres
qui nous détournent du chemin
mais peut être...
d'une écriture sans histoire
qui par bonheur ne raconte rien
je ferai une paire de chaussures
un sac ou un bâton
pour marcher plus longtemps ?
qui a fait danser
nos colères tropicales
de soleil en soleil ?
(à la manière de Tzara .. ou Prévert)
préparer le papier
préparer la couleur
préparer le pinceau
et préparer le coeur
attendre, attendre
déposer, effleurer, caresser,
le moment sec, ou bien mouillé
séquence après séquennce
sans se hâter
vers l'étale innocence
ne pas chercher, ne pas vouloir
juste un jeu dans l'histoire
juste un sanglot tombé
à l'écart du hasard
et puis
laisser venir, laisser partir
laisser faire le désir
le vent passe
la pluie cesse
il n'y a plus de sel
plus d'arrogance
rien qu'un trait de silence
un oiseau qui s'élance
quand l'un finit
l'autre s'enfuit
quelque chose est passé / qui bouclait / le temps
un mois particulier pour moi : temps de beauté indéniable, de dissociation gémellique, d'anniversaires plus ou moins acceptables. J'ai toujours été accrochée par ce mois si partisan. Moi seule le sait.
trois haïkus qui sortent de l'hiver
ou pas ?
la fleur jetée comme
un moineau sur le béton
tremblant de soleil
l'hiver a laissé
sur les os trempés d'orages
nos regrets mouillés
du bleu ou du blanc
engendrés par la lumière
qui l'emportera ?
dressés en couronne et bavant des sirops de nuit
réveil, matin, sans histoire, sans mémoire
hérissés front bas front ainsi front front front
j'ai pas de page , j'ai pas de lit, pas d'encrier
je me tais
mais
je voudrais
qu'un homme en chemise
me dise
pourquoi mes rêves sont si laids
quand ils sont
quand ils font
quand le temps remonte les aiguilles
et vrille
quand je perds foie, coeur et dents
qui rodent sans raison
dans un air caverneux
de vieux monde rebelle
et toujours plus
absent
mais c'est ça ou rien !
tant de griffes sur le ciel
comme toujours impassible
tant de lumière en traces infertiles
tant d'inconstances sur la peau
tant de bleu qui s'épuise malgré le jour
ne pas croire à la profondeur
chercher la cicatrice et l'ongle
ou parier sur le temps
qu'une mort annoncée
peut encore contredire
l'espace ne ressemble pas
à ce qu'il parait être
l'arbre n'a besoin que de saisons
il n'est qu'un moment bref
ou un creux de langage
où je dépose mon attente