les arbres fantômes ont avalé leur ciel de mousse
aux cheveux emmêlés quadrillant les aurores
les mémoires tapissées
les ombres étouffantes
ne peut-on dire que le bois souffre
lui aussi des verts encombrements
des souffles raccourcis
des esprits erratiques et des mondes inversés
qui n'ont plus de chemins
qui resteront cachés
La forêt monte au dessus de ma tête, dans la crispation des pieds, dans les cailloux jetés à plaisir devant mon souffle.
Car la forêt n’est pas que cet épuisement des vallées qui s’arrachent aux monts enrubannées de feuilles.
Peu à peu elle se symphonise et s’orchestre d’oiseaux, de grincements, de balancements, de rythmes, de syncopes qui animent la matière du bois, l'emprise de la terre, la confrontation intime du mort et du vivant.
Alors les pieds s’allègent, la respiration devient musique, mon oreille a gagné sur la pente rugueuse une danse, un son, un frottement de chansons singulières, un ensemble de questions vibrantes à l’unisson du cœur qui s’efforce
et se retrouve enfin.
Regarder le ciel jaune zébré d'oiseaux blafards. Eux, qui s'envolent. Qui crient.
Eux qui ne dorment pas, avec les chiens, sur le vide où pleut une ombre lasse
Au dessus du volcan la ville appelle. Même le feu profond dit qu'il faut partir. Nulle part.
Surtout.
Qu'il ne suffit plus de respirer entre l'ardoise et le bitume, de dormir sur les marches, d’attendre un jour après.
La terre brûlante dit de partir, avant que d'être morte. Avant que d'avoir froid.
Parce qu'ils naquirent de l'obscur enchevêtrement des combats
veilleurs d'ombres et de silences infiltrés
Parce que l'on fit un mur qui bardait l'océan
Parce qu'on laissa durcir aux marées les morts innombrables
vint comme toujours un autre temps
la lumière a redonné couleurs au barrage des oiseaux
à ce qui tient des flux des reflux
la paix des armes tues
la paix des couleurs nues
la paix des bombes sans armures
des arts sans autres murs
que la douceur imaginaire et l'infini des soirs
J'ai toujours aimé l'automne des villes, cette complémentarité du naturel et de l'artifice, des rousseurs humides et du bleu verre
"Je voulais contempler ma ville d’un œil moins usé. Avec les mots de Georges Perec, qui appartiennent à tous. Avec un simple téléphone comme chacun en possède un pour capter les images. Ne pas faire œuvre photographique, ou poétique. Avoir le regard simple et chuchotant de celle qui avance. Le profil bas comme on dit, de qui sait peu de choses et marche sans relâche vers ses apprentissages"
Le reportage réalisé à cette occasion est accessible en cliquant ici sur CALAMEO
Bonne balade !
De quelle obscure familiarité se sent-on habitée lorsqu'on déchire le voile des univers parallèles et des artistes imaginaires ?
De quel réconfort soudain se sent-on envahie lorsque les formes tout à coup vous caressent, vous interrogent, et vous rassurent étrangement, tant sur votre faiblesse que sur la certitude qu'aucun monstre de fer et de cuir ne sera jamais aussi démoniaque que l'humain lui même ?
J'ai habité l'antre des monstres et n'y ai entendu que des chuchotements fertiles, n'y ai vu que des rêves enfouis, n'y ai trouvé que des échappatoires nécessaires, n'y ai touché que des berceaux de nuit où le jour n'avait pas encore de nom.
Tous les obstacles cèdent à l'émotion, tous les contraires deviennent possibles. On veut demeurer dans la noirceur des cryptes, dans la musique viscérale qu'un cliquetis fantôme rend à sa vraie nature. La paix des songes véritables, débarrassés de la peur du réel, débarrassés des hurlements productivistes et destructeurs. Le retour à l'éternité.
Ce jour-là j'entrais dans l'intime création et la trouvais plus belle encore : l'huile des mondes parallèles consolait de la terre, le crâne s'envolait à l'écart des épaules. Il y trouvait une place.
le Naïa Museum, musée des arts de l'Imaginaire, est installé depuis 2015 dans le chateau de Rochefort-en-Terre (56)
Fleuves, rivières, sources, rias, ruisseaux, on ne se lasse pas de les suivre, d'en découvrir un sens qui soit à sa portée, qui n'écrase pas, ne défie pas, convient à l'âge et aux pensées secrètes, non sans surprises, non sans tourbillons, mais constamment accessible. Ah! la constance des fleuves : ils nous mènent toujours en des lieux d'humaine résidence et de rencontres. Ils tracent et modèlent depuis des millénaires. Je les aime, et retrouve avec le même bonheur leur parfum de roseaux et leurs cailloux dorés.
Voici le Doubs, noir de galets polis et de mousses ardentes, en fil, en nappes, ou lac brisé sur de mourants écueils
Douce gorge de pierre, qui culbute en silence les mots inconnus de l'origine. La langue coule et s'infiltre en brumes éclatées.
Il pleut, il gèle, parfois, il fume de vapeurs salées sur la rigole sèche du temps sauvage.
D'où viennent sa course anguleuse et ses détours pensifs ?
On ne sait rien du trou de roche oublié des regards. On ne sait rien des fleuves, des origines, des méandres.
On voit se perdre les eaux. On voit naître la chute. Ou bien mourir ce cœur usé qui n'a plus peur du vide.
Voici le lien de publication sur Calameo de ce voyage / randonnée/ photo ... dont le projet fut de remonter le fleuve Dordogne en mai 2021
hiver Paris, sans pitié pour les genoux des filles
peau nue sous les jupes à plis marine
espérant en vain le rouge radieux
d'un collant qui fut toujours bleu
de froid lui aussi, comme aux enfants de Marie
comme toujours aux enfants derrière les fenêtres
aux enfants qui imploraient le monde de venir
jusqu'à eux
hiver Paris
fenêtres glacées qui demeurent
quand les enfants cachés ont dit leur dernier mot
d'enfant
et sont devenus grands