Tout d'abord, on fredonne la chanson de Brel, puis on oublie qu'on est au plat pays
On se perd dans un désert qui se souvient d'autres sables, d'autres escarpements qui débouchaient sur le vide d'une plaine brûlante et affamée.
Cette dune là vient s'étirer dans la mer froide et l'opulence.
C'est un attrape nigaud au goût de mensonge, de sucres et de fleurs
qui fait perdre le Nord
juste pour un moment...
photos : les sables de Bray-Dunes - département du Nord
car c'est à l'eau qu'il fallut, comme toujours, revenir - à l'appel du fleuve - à la sinuosité tranquille du sable, de la terre et des joncs
laisser passer - laisser venir l'eau qui décide où faire le lit, où coucher - ou ne plus revenir
il y eut cette eau du père - qui pouvait être le chemin - celui où l'on ne rencontre pas - où l'on dérobe ses regards - pour être ce tracé qui lâche, abandonne - et qui a tout connu
courant d'une ère achevée qui tourne le dos à la mer - au retour et aux sources, de même - pour être le passage, le passeur, et le passant
mais du passé rien ne s'en dit - car - tout ensemble est nourri de boucles paresseuses et de cascades vives
le courant au bord duquel - le courant par lequel, tu peux partir maintenant - on n'avait besoin que de la source - que d'un apprentissage de pêche et d'odeurs au centre des tourments d'été
on n'avait plus besoin de toi
la rive, je la nommais certitude et courage - elle a porté ma maison, mes soucis, mes désirs quelquefois
la rive est deux - est moi, - et l'autre moi m'attend vers l'autre bord
la rive, le bord, les galets froids où s'évapore l'odeur de la rivière - le fraîchin, comme l'appelait ma mère
elle appelait - moi j'attendais le silence - et le fleuve - qui, chaque minute, creuse son lit et reconstruit ses berges
le fleuve m'a encordé vers l'autre où l'on se perd - pour le retour - pour le vivant - pour tous les jours d'après moi
à l'homme - source - moi - j'oppose le courant
le rivage sans fin qui s'enclot en-lui même, par quel mystère ?
c'est l'île qui le raconte, entre goulet et grand large, entre boue et clarté
entre elle et moi c'est toute une histoire
une histoire d'ex, d'amour tombé
pointu, recommencé, revenu, reparti
dans un craquement de cicatrices
une histoire d'île, une histoire à tire d'aile, un chahut d'oiseaux gris
liberté d'un seul pied quand l'une tourne en rond
que l'autre tourne court
une seule île, une seule aile, pour rêver à moitié
à mon Aix qui revient de très loin
voyage à l'île d'Aix (Charente Maritime) mai 2015
De Brive à la vallée du Sorpt,
passant Chasteaux et Châtrier
les maisons blondes
et la lauze des toits
comblent des secrets de vie arrachés
à la force des chemins creux
maisons corréziennes
Même ceux qui n'existent plus, même ceux qu'on a réformés
Comme cet ancien "trans-corrézien" qui relia pendant une cinquantaine d'années Tulle à Ussel
j'aime les trains
par atavisme, ou par besoin de voyageuse qui emporte avec soi des wagons de projets emmêlés
j'aime les rails, les aiguillages, les gares, les quais encombrés de sanglots
en dépit d'autres trains qui brisèrent tout espoir de retour
j'aime les paysages réécrits par ceux qui creusaient les montagnes, enjambaient les torrents, étayaient les dunes en ouvrant des voies incertaines où, coûte que coûte, il fallut s'engouffrer.
j'aime encore, le rappel de ces friches ferroviaires collectivement abandonnées pour des trajets solitaires, asphaltées que la poésie ne traverse qu'à regret
j'aime la rectitude bien rythmée des chemins de fer, des éclats de nuit, des "koun-koun" oubliés où les enfants s'inventaient des refrains sans queue ni tête
aujourd'hui sans motrice, sans moteur, sans marche-pied, sans folie, que même la tête a déserté.
viaduc des rochers noirs et vallée de la Luzège (ancien trajet du "tacot" transcorrézien)
chemin faisant
il se découvre
vidé de substance et de rêves
toujours marchant
sans trêve
au détour des taillis
surgi
d'un bref enchantement
Parc de sculptures de Kerguehennec à Bignan 56 et Lanrelas (vallée de la Rance) : d'autres photos
elle m'a dit
je ne suis pas
celle que vous croyez
village veillant
sur le mariage du ciel
au goût des fruits mûrs
bleue dans l'herbe rase
elle m'attend sur le chemin
prune de septembre
d'autres images des villages de corrèze (et d'ailleurs) album
à la viscosité compacte, salée, charnelle de la mer
toujours j'ai préféré la liberté des eaux courantes
dont on ne sait quelle énergie les fait chanter
ni quelle source les engendra
elles sont nos errances et nos voyages
nos chimères sans défense contre les heures comptées
qui bondissent entre les pierres rondes
ou paressent à l'ombre des collines
en torrents de questions et de limons fertiles
j'aime les fleuves et les rivières
et le moindre cours d'eau qui ne se corrompt pas
j'aime la douceur des eaux répondant à ma soif
j'aime l'apparence usée des berges infidèles
que la crue déborde selon son bon plaisir
ou que la main contraint à jouer de sa soumission
le fleuve est un regard accessible
à nos figures naïves
que la bataille ennuie
que la lutte désarme vite
j'aime voir ce qui se voit
sur l'autre rive
d'autres images de la rivière Dordogne en Corrèze