27 juin : Ziguinchor-Tambacounda quelques photos
Lever à 5h, arrivée à la gare routière à 6, il fait encore nuit mais une activité intense s'est déjà déployée. Je dois embarquer dans un "7 places" - taxi-brousse 505 Peugeot break -, évidemment j'hérite d'une place arrière (les plus serrées- dans le coffre !) avec deux jeunes femmes chargées d'enfants : peut être suis-je placée là à cause de mon faible volume ?, mais il y a tellement de bagages qu'en guise d'enfant je reprends mon sac à dos sur mes genoux
La première heure est la plus éprouvante, on ne sait ni comment mettre ses jambes ni comment ne pas se casser le dos. J'engage avec ma voisine un petit jeu sournois et sans paroles de protection de nos espaces respectifs, en poussant subtilement genou contre genou!... pas question de se laisser grignoter son minuscule territoire !
Au fil du temps il semblerait que les corps deviennent plus élastiques ou que le puzzle s'emboite mieux: effet de la chaleur ? Bref, je finis par somnoler une bonne heure sans éprouver ni crampes, ni gênes particulières. De temps en temps je remue à l'intérieur de mes chaussures pour vérifier que j'ai encore mes doigts de pied, et m'accorde 5 minutes de gymnastique musculaire "in situ" pour désamorcer toute espèce d'ankylose. Apparemment, ça marche.
Le taxi file à bonne allure sur des routes très plates, qui comptent leur lot de trous non rebouchés et de ruptures dans l'asphalte, mais rien de bien méchant. On se fait arrêter environ 18 fois par toute sorte de gendarmes, militaires et autres vérificateurs du trajet, chacun devant gagner sa vie à la sueur de son front, et si possible à la sueur du front des autres en leur procurant un emmerdement maximum, mais tout ça, c'est de la routine.
Le paysage liquide de Casamance fait place à une savane plus arborée, piquée de termitières et de villages de cases rondes couvrtes de chaume, et entourées de haies tressées. La saison des pluies récemment commencée a verdi le sol d'un velours tendre sur lequel paissent brebis, petits ânes et belles vaches blanches ou crème qui refont leur viande avec l'herbage revenu. Les agricuteurs s'activent dans ce qui ressemblera bientôt à des champs : brûlis, puis labours à l'aide de charrues plus ou moins rudimentaires, attelées ou pas, enfin, sarclage des parcelles déjà plantées.
le voyage se déroule silencieusement. J'apprends tout de même que la femme devant moi part au Niger avec son mari et un lot imposant de bagages. Le mari, seul homme du bord, à part le chauffeur, a eu droit à la place devant. La fille qui téléphone sans arrêt sur son portable et recompte ostensiblement de grosses liasses de billets est une togolaise qui retourne à Lomé chercher des marchandises (elle me donne quelques tuyaux qui s'avèreront assez peu fiables au sujet du meilleur parti pour se rendre au Togo), les autres vont au Mali.
Malgré le mauvais état des routes et la vétusté des moyens de transport, il ne faut pas croire que les africains restent sédentaires pour autant; si certains n'ont jamais quité leur village, beaucoup de gens voyagent, parfois très loin, et les circuits ne sont pas si mal organisés. Vu d'Europe ça semble un vaste chantier, pour rester polie, mais vu d'ici ça ne pose aucun problème, d'où ma relative placidité à ce sujet. Les voyages sont longs et parfois pleins d'imprévus mais simples et relativement sûrs pour voyager seule.
J'en suis là de mes réflexions quand des bruits inquiétants se font entendre sous nos fesses, c'est à dire celles des trois femmes et des deux gamins (plus mon sac) qui s'entassent à l'arrière, sur les roues. Le chauffeur, s'arrête, vérifie, repart, revérifie, mais le problème est manifeste et prend une ampleur insolente: le "tac-tac-tac" monte en puissance jusqu'à ce que le véhicule qui roulait (heureusement!) au ralenti depuis un kilomètre, SE RETROUVE SUR 3 ROUES ! La quatrième a pris la clef des champs vers le plus proche fossé en contrebas.
Terminus, tout le monde descend en pleine brousse.
Notre chauffeur fera 3 ou 4 allers-retours en compagnie d'un mécano dégotté au village de Velingara, tout proche. La réparation durera quand même presque 4 heures que nous passons à somnoler sous un grand acacia, en nous partageant de maigres rations de nourriture et d'une bouteille d'eau à environ 37°, parfaite pour un bain de pieds, mais à peine buvable!
j'ai même la surprise en faisant ma sieste sous l'arbre, de recevoir sur le ventre une petite branche cassée par le vent sur laquelle est agrippé un beau caméléon roulé en boule que j'ai b'abord pris pour un fruit sauvage !
j'ai aussi le plaisir de découvrir à quelques dizaines de mètres deux arbres maginfiques et enlacée, d'espèce différente, que j'appelle "les jumeaux"
Les mécanos finissent carrément par changer l'essieu de roues avec trois malheureux outils et un bout de tissu crasseux imbibé d'huile sensé servir ...de joint ?Nous r epartons à bonne allure jusqu'à Tamba après être passés alternativement de la piste rouge, pas si mal entretenue, à des tronçons de route fraichement bitumés qui ont fière allure, mais pour combien de temps ? Une saison de pluies aura forcément raison de cette belle surface.
J'arrive quand même épuisée à l'auberge réservée la veille au soir. Je me précipite dans la première gargotte venue pour m'abreuver d'une gigantesque Flag, et d'un plat de viande absolument délicieux qui s'avère être du phacochère de contrebande (l'espèce est protégée); mieux valait ne pas le savoir avant, j'ai honte de dire que je ne regrette pas ce festin, à la suite duquel je m'écroule, repue et douchée comme il se doit.