Tout d'abord il y a la chaleur, qu'on n'imaginait plus ... mais à la sortie de l'avion le tarmac est un gros uterus à 37° pile qui vous emmitoufle de moiteur collante. Je me rappelle chaque fois ma première arrivée ici, ma première conquête africaine, en 2001, que j'oublie toujours et qui revient en force à chaque atterrissage.
Puis, on se dirige vers la salle d'arrivée, ses contrôles administratifs qu'on aborde avec la certitude de celui qui vient du "beau monde". Mal me prend de cette assurance, il parait que ma vaccination fièvre jaune, la seule obligatoire, est périmée. Voici donc la deuxième étape des retrouvailles, confrontation administrative, et frais qui en découlent, forcément : discussion sans solution. Je suis en tort. Je reconnais. Et je ne franchirai pas la porte sans avoir été piquée (j'espère que la seringue est à usage unique) et délestée de 20 €, arrondi brutal des 10000 CFA annoncés sur le panonceau du service médical.
Le troisième passage est celui du bruit, des paroles vives, de la foule massée au dehors, des visages qui me dévisagent, des abordages répétés vers la blanche égarée qui attend son heure et son chauffeur.
Qui finit par arriver. Les avenues n'ont pas changé, la ville se ressemble. Je découvre une maison plutôt confortable au milieu des mêmes chemins torturés, des mêmes gens qui à la fois se dépêchent, sans se presser aucunement, des mêmes ordures en petits tas soigneux que personne jamais ne ramasse. Lomé sent la poussière du soir... bonsoir !
Au matin, premièrement, ne pas sortir. Je m'en remets d'abord à la mémoire des sons.
Posée sur la terrasse, à 7 heures, il fait déjà chaud (la chaleur a-t-elle baissé durant la nuit, je ne crois pas ...). Et j'enregistre ce plaisir d'oreille qui refait son parcours.
Le premier appel d'une mosquée proche ou lointaine. Celle qui vend les cure-dents "alo, alo" en chantant par les rues. Le froutt froutt des balais de roseaux qui nettoient les cours, les chambres, les passages, partout. Un cri obstiné d'oiseau caché, toutt, toutt, toutt. Le tac tac tac méthodique d'un cireur de chaussures qui tape sur sa boite, qui revient, qui s'éloigne et fait le tour du paté de maisons. Un cri d'enfant joyeux, un pleur d'enfant puni. La langue des femmes qui prend la nouveauté du jour. Le Poum Poum sonore d'un pilon au delà du mur hérissé de pointes, au delà des portes de fer, des cadenas d'une livre, des barres métalliques. Le bois et le fer se répondent, constamment ... et par dessus le toit "si bleu si calme, un arbre par dessus le toit berce sa palme"... on ne peut pas ne pas penser à Verlaine dans la presque prison à ciel ouvert d'une maison, comme toutes les autres, au milieu de la ville qui a peur, semble-t-il, de tout et d'elle même, sous les palmiers de cartes postales qui ne signifient rien.
Enfin , après l'épreuve du piment sur la sauce ordinaire, après la sieste, encore tiède, et la douche, presque froide, je ressors au grand jour pour retrouver ce monde évanoui... le battage du grand marché, le trajet vers la mer, cheveux au vent à l'arrière du ZED ( taxi moto) et la fraicheur de la Flag, première gorgée de bière partagée, comme il disait, dernière pépite du trésor retrouvé, et le bonheur d'ici.