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J'aime beaucoup ce genre poétique très codé qui vient du Japon (3 vers de 5/7/5 pieds)
C'est aussi un poème que l'on invente et rythme en marchant (le plus fameux et le plus anciens des "inventeurs" du haïku, le moine
Basho, était un grand marcheur !)
Cette page retranscrit l'ensemble des haïkus que j'ai écrits, et retravaillés
C'est ainsi, en effet, que je conçois cette forme poétique qui, pour moi, n'est jamais vraiment achevée, qui changera peut être encore au gré de mes humeurs, et que donc, je ne fige pas dans sa forme définitive
Le haïku exprime presque toujours une vision saisonnière et fait donc référence à un état de la nature
J'ai écrit aussi quelques haïkus plus intimes, sans indication de saison (moki) que j'ai intitulés "de tous les temps"
Printemps
primevères de Mars
jaune vert de soleil pâle
près des fougères grises
pas de mot qui soit
plus profondément le rouge
que la fleur elle-même
point inaccessible
voir l'espace du nuage
devenir en pluie
croupes d'aubépine
taille-douce au vent marin
miel blanc de printemps
le soleil de mars
a fait éclater le rouge
dans le camélia
regard blanc de lune
oblique dans la fenêtre
neige de printemps
assoiffé d'orage
il s'ouvre à la pluie de mai
le bleu de l'iris
la lune de mai
tremble à la croisée du rêve
oeil blanc dans un puits
Eté
densité abstraite
insoucieux les goélands
planent à l'air libre
sous le tablier
l'envers du pont joint le fleuve
illusion parfaite
tournoi d'hirondelles
cisailles anatomiques
questionnant l'air bleu
aurore brumeuse
le babil des oiseaux seuls
picote le jour
au temps radieux
le bleu mauve de mon âme
autour de ton corps
Automne
La tortue fuira
l'aquilon des saisons froides
vers un trou profond
Sillage de terre
La nuit happe un ver luisant
fête de la mort
posé sur la langue
l’écho jaune mirabelle
au bout de l'automne
La gifle du vent
sur la joue grêle d'épingles
plie devant la digue
Les ronces fertiles
ferment le chemin du bois
enfin la clairière
particules brunes
dans l'eau noire et circonflexe
risée sur l'étang
novembre en bataille
vent de feuilles et de pluie noire
le jardin s'emporte
fuyant le nuage
arrache un lambeau de lune
au masque du soir
Novembre s'enfonce
avec ce peu de lumière
volé aux étoiles
le monde en grisaille
défait le poids d’une rose
sur sa joue mouillée
Prairies inondées
fumée bleue sur le talus
vient le soir piquant
Hiver
La ligne brisée
par les sursauts du vivant
vers la fin se courbe
Copeau de lumière
mince lune des frimas
Orion monte au ciel
chaos de branchages
garenne au sortir d'hiver
odeur de bois frais
flaques sur la route
le rêve se met en marche
au-delà des pas
quand le feu palpite
tant de mots ne disent pas
que taire est lumière
dessins d'arbres nus
effleurés par le vent gris
Février déjà
une pluie soudaine
glisse sur le cil du temps
mon chagrin d'hiver
la rosée d'étoiles
chasse le glas des froidures
odeur de jacinthe
l’œil effaré cadre
et vide, et ronge et verrouille
la porte du soir
le vent claque blanc
au carré froid des fenêtres
à seule fin de quoi ?
la jacinthe bleue
pour voler la peau du ciel
a fané la pluie
ciel vaste et doré
fine encre des arbres froids
noires cicatrices
sous le vent du nord
courbé le camélia blanc
neige horizontale
Sirius, Betelgeuse,
posés sur la branche nue
dans la nuit d’hiver
Contre le temps noir
l'astre fervent de ton corps
tremble sous ma bouche
Orion en cavale
déchire la toison du ciel
flèche de janvier
De tous les temps
le nom de Basho
simple demeure en tout temps
près du bananier
pourquoi sont les gens
aussi nombreux dans la tête
signaux électriques
L’œil irisé ment
gâté d'amères images
le noir dit le vrai
en croissant la lune
épouse l'ardeur de nos corps
vers la plénitude
côtoyant le vide
l'impuissant qui fait le mort
croit cacher sa peur
sur tes yeux soudain
se révéle la pénombre
d'un soleil caché
Flamme du briquet
la bouche ouverte se livre
qui dira la nuit
étoile du rire
porté sur ta voix lointaine
au fil de l’air dru
habit de poussière
la muraille au corps cassé
tente un pas de danse
là, demain, jamais
les mots tombent en désaccord
du temps pointillé
haïku de nuit
au matin j’ai oublié
la mélancolie
je suis livre ouvert
assignée à bout portant
sans réserve aucune
sans bruit sans remords
à neuf heures et huit minutes
j'ai lâché le monde