collages papiers japonais - actualités février 2024
le cerveau se remplit d'atomes crochus, de colères rentrées, d'oiseaux pointus,
de vomissures secrètes, d'escaliers sans fin, de vents étoilés, de cagibis prisons,
de pieds de grues enfoncés dans la vase,
de feuilles mortes, d'ondulations, de nausées, de piques et pêches,
et puis
le cerveau se vide
Bien fait ! c'est tout ce qu'il mérite
nous avons toujours besoin, finalement, que le trait existe, que la couleur se répande, que la rage se dessine, que le monde sorte de nos têtes
pour revenir à lui
pour devenir celui que nous avons créé, voulu, inventorié
durant le temps infime qu'il fallait pour le faire transparaitre
même s'il était mort-né
En dessinant, en peignant, on ne restitue pas le réel, on l'invente. Je n'ai jamais eu d'intérêt, ou d'envie, à reproduire ce que je vois, tout en admirant les peintres qui savent s'inspirer, en s'en détachant, de la réalité
Picasso (pour moi le plus grand génie inventif de tous les temps) disait encore : la peinture est un métier d'aveugle. Il ne peint pas ce qu'il voit mais ce qu'il ressent.
Créer, c'est sortir pour un moment du monde, intérieur ou extérieur, amener une forme, une image, une formule intrusive qui fait exploser nos regards.
Je voulais être artiste. Je ne voulais pas faire quelque chose de beau, ou d'admirable (en suis-je d'ailleurs capable?). L'univers n'a pas besoin de moi, ni de mes yeux, ni de mes mains pour exister, et perdurer. A la nature appartient la perfection de l’Être, l'absolu, le temps qui ne s'embarrasse ni du bien, ni du mal. Je cherchais un espace imaginaire où je rencontrerais celles, ceux, qui cherchent comme moi, non l'invisible, mais l'immédiateté d'un art singulier dont rien ne reste, sinon une intention, un éclat d'humanité bousculée de son imperfection.
Combler ce besoin de laisser, loin de la beauté sidérante, loin de la laideur que nous distillons sans vergogne, une trace au creux de nos cavernes, deux mots, trois couleurs, et un trait d'incertitude, un feu qui s'étouffe et crache quelques cendres que le papier, ou le mur, ont parfois recueilli.
Car s'il ne raconte pas ce qui existe, notre cerveau humain rend compte, malgré lui, d'un espace potentiel où le chaos se heurte à l'ineffable.
Le monde est au dehors. Et nos esprit cognent à la porte.
Il arrive, souvent, d'oublier : un nom, un lieu, un air de musique, un livre autrefois lu. Il semble parfois que ce qu'on n'oublie le moins tient aux sens les plus primitifs: odorat, gout, sonorité (et non mélodie)... Ressenti profond surgissant contre toute attente : j'ai déjà éprouvé, déjà entendu, je suis déjà venue..? Tout est enfoui. Tout est là. Qu'on s'en souvienne ou non n'est pas l'essentiel.
Mais il faut parler d'une autre mémoire, reconstituée, réinventée qui pourrait soutenir tel projet de "Mémoires" ou le désir de les écrire. Magnifier le mensonge et l'erreur de la reconstitution par le chemin de l'écrit qui, toujours, s'éloigne du vrai, du vécu.
Par le jeu du retour effectif sur un passé révolu - revenir à tel endroit, revoir tel film, rencontrer quelqu'un qu'on avait oublié, ou presque - arrive alors une étrange confrontation avec soi-même, avec ses souvenirs, avec sa mémoire assumée dont on se croyait certaine de la fiabilité et qui tourne au désastre et à l'incompréhension. Je ne suis jamais allée ici, où j'avais la certitude de mon passage, j'ai oublié et transformé la fin d'un récit, d'un film, d'une histoire lue ou entendue, j'ai fait erreur sur la personne, inventé, reconstruit, clamé une vérité qui s'effondre une fois la preuve en main!
On ne cible pas ici une faiblesse de l'acte de "mémorisation" qui serait due à la défaillance de l'imprimante cérébrale. Ce dont on parle est arrivé, il y a longtemps, on en est sûr, quand la mémoire était vaillante... et la tête l'a ré-écrit comme elle l'entendait.
Alors, quel témoignage mérite de figurer dans mon histoire? J'ai vu ceci, ou j'ai cru le voir, mon œil a recadré, en photographe diligent, cette image, cette scène unique et signifiante et, face aux preuves indubitables, se trouve absolument désemparé, se referme sans gloire dans la noirceur d'un récit surfait et mensonger.
Quel crédit accorder à ces souvenirs, ces affirmations, ces relations d'évènements tronqués et délirants, à l'incertitude qui brusquement envahit ce qui fut, ce qui fut moi, ce qui fut ma vie ? Le projet d'écriture du passé recomposé s'en trouverait vacillant dès le premier mot sur son socle de marbre attaqué par l'acide du passage temporel.
Quel crédit à toute histoire, à l'Histoire même qui prétend exposer ce qui a été vécu, parfois oublié, puis rétabli. A ce que , surtout, l'on n'a PAS VU, PAS ÉCOUTÉ alors que c'était à portée, juste devant le regard, juste à portée des oreilles qui, avant même d'enregistrer, se tournaient ailleurs et composaient le paysage et le texte et le film d'une autre vie qui n'a jamais été ?
Nous sommes fait de l'étoffe des songes, disait le grand William, comment acceptons- nous que ce rêve soit immiscé jusque dans nos souvenirs les plus marquants, les plus sincères, les plus explicites ?
Nées de la terre et du sel
Nées de la chair morte
Nées du vent qui porte à la pierre ce que le mot raconte
Coquilles de lait tiède durcies par les marées
Sarabandes d'os en cavale
Je vous reprends et je vous donne
La forme d'un rêve impossible
Vous dormez dans vos cages de silence
Et c'est moi qui ricane
Voilà donc ce défi "Inktober 2020" terminé.
Le confinement incite à prendre son temps pour continuer sur d'autres carnets, ou d'autres supports. Bon pour le moral, bon pour le plaisir. Bon pour le partage, non pour vouloir se faire encenser (ça n'en vaut pas la peine d'ailleurs) mais pour l'échange, gratuit.
(on peut voir tous les dessins sur les pages précédentes du blog... si on a envie)
28 octobre : FLOTTER
... entre deux eaux
29 octobre : CHAUSSURES
toujours prêtes à partir !
30 octobre : DE MAUVAIS AUGURE
Pas besoin d'en faire un roman !
31 octobre : RAMPER / SE TRAINER
Sable liquide, orage, fusion du corps mobile
Je ne sais pas
Je la regarde se trainer. Je la regarde
C'est le regard qui décidera de la noyade ou de l'espoir
Si c'est l'hiver ou bien l'été
Si c'est plaisir ou bien pitié
23 Octobre : DÉCHIRER, DÉCHIRURE
Voici le nom de celui qui a marché sur les routes d'exil
Voici la langue clouée, la chair à vif, la mer de sang
Voici le vide à venir et le passé décomposé
Que reste-t-il de lui, au delà des cicatrices, des arrachements
des DÉCHIRURES de son soleil ?
24 Octobre : CREUSER
25 Octobre : COPAIN
Celui qu'on reconnait toujours,
même au cœur de la foule anonyme
26 Octobre : CACHER
pas vu, pas pris
la nuit descend
rien fait, rien dit
juste innocent
27 Octobre : MUSIQUE
chanson d'enfance ( en canon)
Tout doit sur te-e-rre finir un jour ...