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2 août 2019 5 02 /08 /août /2019 11:07

Vital pour l'un, éblouissant pour l'autre, le marché conjugue la nécessité du sédentaire  et le hasard du voyageur. 

 

Arrimée aux couleurs brassées de formes et d'odeurs, que l'on ne sait nommer, toute parole est emportée dans le ruisseau des rires, des marchandages et des cris incertains, où le passant n'osera donner de sa voix.

 

Tourbillon sur des chemins d'images parfois remontés jusqu'au costumes des femmes,  jusqu'au désir des fruits, jusqu'aux chairs pantelantes qui écrivent un roman du monde, le marché étourdit autant qu'il ravive la vérité du territoire, autant qu'il révèle ce que le parcours avait espéré de secrets.

 

Jouir de son absolue étrangeté, perdu puis retrouvé dans la foule qui rappelle son essence : vivre et survivre, chercher le bonheur au pendant du travail, prendre le meilleur, si possible pour argent comptant. 

Quito (Ecuador)

Quito (Ecuador)

Otavalo (Ecuador)
Otavalo (Ecuador)
Otavalo (Ecuador)

Otavalo (Ecuador)

Riobamba (Ecuador)
Riobamba (Ecuador)

Riobamba (Ecuador)

Cuenca (Ecuador)
Cuenca (Ecuador)

Cuenca (Ecuador)

Trujillo (Peru)

Trujillo (Peru)

Cajamarca (Peru)
Cajamarca (Peru)

Cajamarca (Peru)

Chachapoyas (Peru)

Chachapoyas (Peru)

Iquitos (Peru - Amazonias)
Iquitos (Peru - Amazonias)

Iquitos (Peru - Amazonias)

Tamshiyaku ( Peru - Amazonias)
Tamshiyaku ( Peru - Amazonias)

Tamshiyaku ( Peru - Amazonias)

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4 mars 2019 1 04 /03 /mars /2019 14:08
Quito

Il y a quatre villes, piliers de ciel, qui habitent le nom de Quito

La ville bariolée de couleurs imaginaires qu'on ne retrouve pas, même en fouillant chaque ruelle. Celle d'avant le voyage. Elle est déjà passée.

la ville répandue, échappée, jeu de cubes au hasard des quebradas, des précipices, des ponts, des failles, des cassures, des escaliers, des ascensions, des coupoles. La ville qu'on nomme avec les pieds, le souffle et le présent.

La ville noire surgie des couches telluriques, qui tremble sous les pavés, interroge et ne répond jamais. Qui se réveille en vomissant des ombres .

La ville des nuages. Elle reste encore longtemps quand on tourne le dos.

Je ne sais laquelle je préfère.

Chacune compose un plan de visages et d'images, de mots et de murs que le magma tient à la verticale, et parfois consume, et parfois redresse.

Les quatre noms de Quito sortent et renaissent tour à tour, de l'abîme ou du cratère, avec un bruit de cœur-marteau, une ivresse de fanfare ou un bouquet de pétards crépitants.

Puis, ils dansent sur les volcans, et c'est la fin du rêve de Quito.

Restent les mémoires vives sur la courbure des vallées

la ville étendue
la ville étendue
la ville étendue

la ville étendue

les couleurs
les couleurs
les couleurs
les couleurs

les couleurs

la vie
la vie
la vie
la vie
la vie

la vie

les ombres
les ombres

les ombres

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29 juillet 2011 5 29 /07 /juillet /2011 15:26

de passage en passage, de terminal terrestre en terminal aéroportuaire, de chambres pauvres en chambres un peu moins laides, points d'arrêt et de départ où la voyageuse sans cesse se donne et se reprend

s'oublie en quelques parts de ce qu'elle ne ramènera pas

à cause du poids, à cause du désir d'être nue, à cause de ce qui disparait de soi et de la suffisance de l'être comblé, qui voudrait bien laisser ses charges et revenir allégé de ses peurs

ces traces minuscules redisent à celui qui les trouve qu'une autre est passé là, qui cherchait son regard

et que le souvenir d'un lieu est attaché à la mémoire oublieuse des objets inutiles

il n'y a pas de sens au voyage sans le troc de chaque monde tombé dans une escarcelle ou une autre

 

à l'hôtel Almen , rue Sagarnaga de La Paz, j'ai oublié une paire de mitaines bicolores rouge et grenat. Les fils électriques font des toiles d'araignées, et j'ai le souffle court. Je contemple avec stupeur un premier tableau d'ange arquebusier au Museo del Arte.

à l'hôtel Sonia de Copacabana, au bord du Lac, j'ai laissé "la vie mode d'emploi" de Georges Pérec, en édition de poche marquée à mon nom. Je l'ai relu trop vite. Je n'ai plus aucun livre. Mais Titicaca, la Isla del Sol, et les nuages déploient leurs écritures.

à l'hôtel Inti de Puno, sur l'autre bord, péruvien, du Lac Titicaca, perdu un tee shirt gris perle, avec une bande brillante sur le devant, que j'aimais beaucoup. Il pleut. Je bois un Pisco Sour, et mange mon premier steak de lama.

sur l'île d'Amantani j'ai donné ma lampe électrique made in China qui fonctionne sur le principe de la dynamo au papa de Mari Luz, qui nous a fait dormir dans sa maison. Ciel d'encre et de glacier d'étoiles, paré pour une légende. J'improvise le vol du Condor sur la musique du même nom à la fête du village.

à l'hôtel Samani de Cuzco, je n'ai rien oublié du tout, ni dedans ni dehors. Mais décidé en prenant le bus, de déposer quelque chose dans les lieux à venir de mes passages. Le soir du jour de l'an, vu la ville s'embraser de folie et de fusées pétaradantes. Symphonie brutale et sidérante. Comme à Machu Pichu

à l'hôtel Santa Catalina d'Arequipa, laissé un pull gris en laine, de forme chasuble, un peu usé à la taille à cause du frottement de ma veste. Au crépuscule sur la terrasse contemplé la première neige sur le volcan Mitsi. Mes pieds remplis de graviers, de désert et de lagunes du rivage Pacifico.

à l'hôtel Yungay d'Arica au Chili, déposé sur la poubelle ma paire de chaussures blanches et noires, la semelle au talon réduite à l'épaisseur d'une feuille de papier, brûlée par la plage de sable volcanique. Vols innombrables de pélicans à l'arrière des bateaux de pêche.

à l'hôtel Utakala de Don Leo à Parinacota, laissé un collant brun foncé avec un petit trou sur le gros orteil droit. Le matin, dans le 4x4 de Don Leo, resté figée au pied du Parinacota stupéfiant de beauté qui miroite sur le lac couvert de glace et de flamands roses.

revenue à Arica, à l'hôtel Yungay, j'ai enfoui dans les draps, bien qu'ayant dormi par terre, un gilet bleu vert à double fermeture éclair que j'avais acheté dans un troc et puces à Concarneau. Toujours les cormorans.

dans le bus de nuit entre Arica et san Pedro de Atacama, perdu une trousse en cuir beige qui contenait un stylo à plume, des feutres à dessin et des cure-dents. En fait, ce n'était pas dans le bus, mais dans le petit bar où nous avons déjeuné de poulet en arrivant à San Pedro. Le lendemain je l'ai retrouvée

le même jour, j'ai oublié une pochette africaine contenant mon passeport et ma carte bancaire à l'office de tourisme. Retrouvée au bout d'une demi heure quand j'ai voulu payer le boleto touristique de l'excursion aux geysers de Tatio. Où j'ai ressenti le froid comme jamais avant le premier signe du jour. 

à l'hôtel Puritana de San Pedro, chambre la plus luxueuse et la plus chère du voyage, j'ai déposé dans le bas de la table de nuit un cadeau pour les filles qui travaillaient sans relâche au nettoyage : un collant noir sans pied et un flacon de vernis à ongles

à l'arrivée du bus de nuit entre San Pedro et Valparaiso, j'ai retrouvé, au terminal, l'appareil photo d'André qu'il avait laissé sur son siège Cama

à Valparaiso, à l'hôtel "maison du Filou", jeté le chargeur de l'appareil photo Panasonic que je me suis fait voler boulevard San Francisco. Avec passeport, carte bancaire, clef USB, et ma broche panthère noire, dans le sac banane multicolore acheté à San Pedro. C'est comme un peu de moi resté dans cette rue qui descend vers le port, sur le Cerro Artillera, avec mes images de Bolivie et du Pérou. Mais la ville était bien, là. Je peux lui pardonner.

à l'hôtel Bellavista de Santiago, j'ai posé un tee shirt rose très moulant et trop petit en évidence sur le lit. Le soir nous assistions depuis la terrasse à un festival de théâtre dans une cour voisine. Hôtel tout près de la Chascona, troisième maison de Neruda. Et le métro de Santiago arrose les voyageurs pour les rafraichir.

chez François à Santiago, laissé ma serviette éponge rayé rose et blanc Ted Lapidus, et un stick de déodorant qui me grattait depuis le début du voyage. Avec un drapeau breton en tissu, comme cadeau de remerciement pour son appartement.  Frédéric était là aussi, pas rancunier envers le Chili qui lui a volé ses jambes.

à l'hôtel sans nom, que j'aurais dit presque borgne, rue Quemes, derrière le terminal de Mendoza, j'ai laissé un short de toile blanc que je n'avais jamais mis. C'était l'arrivée en Argentine, la nuit on entendait une fiesta de tango dans le couloir de la maison. J'ai aimé la bière frappée et le vin des bodegas.

au Residencial Anita de La Rioja, laissé ma veste de lin écru dans un tiroir. Dans la cour d'une maison écrasée de chaleur nous avons chanté et bu avec une famille sous la treille chargée de grappes. Au terminal un jeune homme est venu m'offrir une bouteille d'eau.

à l'hôtel Residencial Royal de Salta, qui n'avait de royal qu'un nom depuis longtemps déchu, j'ai laissé une paire de gants en polaire rose fuschia trop serrés pour moi. La chambre bleue était comme une éponge sous les torrents de pluie.

à l'hôtel Frontera de La Quiaca, comme son nom l'indique, laissé un tee shirt violet sans manches à volants qui me servait de chemise de nuit. Dès l'aurore des femmes indiennes faisaient passer sur leur dos des tonnes de marchandises, toute la journée, d'Argentine en Bolivie. Ou l'inverse.

à la gare de Villazon, du coté bolivien de la frontière, André a oublié son appareil photo sur un banc après avoir pris nos billets en classe économique pour rejoindre Uyuni. Et ne l'a pas retrouvé. Passé la nuit dans le train. Oublier sa fatigue. 

à l'hôtel Cactu d'Uyuni, j'ai laissé un tout petit sac rose et violet en tissu brillant offert en 2009 par deux coréennes qui avaient dormi chez nous. La chambre n'avait pas de fenêtre, comme pour démentir l'espace indéfini de la ville sans limites.

nuit à Alota, pendant l'excursion au Sud Lipez, j'ai oublié, vraiment oublié, ma serviette de toilette jaune en matière ultra absorbante. Le soir nous avons bu du rhum avec un alsacien, tandis qu'une secte américaine venait nous faire l'article d'une méditation sur les hauts lieux où souffle l'énergie. Comme le Salar, où l'on se perd de la tête aux pieds.

la deuxième nuit dans le campement n'avait pas de nom, je n'avais plus grand chose à oublier, mais j'ai été  malade. Coliques, diarhhée. On laisse ce qu'on peut. L'eau n'est pas bonne à boire. On ne parvient pas à allumer de feu. Ou c'était la baignade à 4500m dans des eaux chaudes et soufrées. Laissé seulement un petit calendrier de la pharmacie Sébire à Melgven.

à l'hôtel Cactu d'Uyuni, avant de repartir, je laisse un short de sport en polyuréthane noir et violet, qui ne m'a servi à rien. Ciel de pluie. Immensité de tristesse. Cimetière de locomotives. Fers rouillés.

à l'hôtel Carlos V de Potosi, j'ai laissé un paquet de chewing gum, immangeable, acheté à Uyuni, et un chapeau de toile beige, rétréci au lavage et devenu trop petit. Parcours dans les mines, couleurs, vertige, horreur et magnificience. Révolte ou révolution ?

à l'hôtel Pachamama de Sucre j'étais en panne d'oubli. Mais à Tarabuco, visité un matin le marché artisanal, j'ai donné à Julio qui nous avait vendu un charango, la polaire noire qu'il m'a demandé pour un de ses enfants. Sucre trop blanche, cela refait un équilibre.

à l'hôtel Alem, j'ai abandonné, avant de quitter La Paz, les sandales dorées qui m'avaient bien servi les pieds, et deux paquets de feuilles de coca en poudre pour les infusions. Bien m'en a pris, les douaniers boliviens ont fouillé mes bagages avec une minutie particulière. Sorciers et sorcières véritables dans les rues de l'Alto. Tihuanaku et l'Illimani. Enfin. Avant le déluge tropical de Santa Cruz.

à l'aéroport de Madrid, les douaniers espagnols nous ont pris le vin bolivien acheté au free tax de Santa Cruz. Sans le décalage horaire nous l'aurions bu cul sec !  Ils ont cassé la bouteille. Pol n'aura pas son cadeau.

 

angel  Lap.26

 

angel arcabucero et masque de carnaval à La Paz

 



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27 juillet 2011 3 27 /07 /juillet /2011 23:12

arrive un moment où plus rien ne compte que le poids de matière minérale,
ciment des muscles, air au goût de pampa, train de carcasse, rails qui tranchent l'horizon
on devient roche, on devient terre, pluie, nuages,
on devient poids de glace et de tourments qui tanguent au bout des doigts ralentis marquant le coup à coup des voies entre deux gorges coupées à vif
sang de l'Ande et de l'Indienne, tout entier ramassé dans la joue de coca qui martèle un oubli
l'Altiplano s'est soulevé à hauteur de mirage, sa côte de magma flottante au bord des lèvres maquillées d'aurore
Un poids de temps, un poids d'argent, un poids de chair sur les plateaux de la justice ancienne qui n'avait pas de nom
Le train de nuit, à l'écart des voies irréelles, dérape lentement, glisse sur le silence, s'immobilise
où l'on reste là, corps plié de sommeil évasif, corps métallique, aimanté qui se colle au sol criblé d'autres corps,
au dessus des fausses roues
au dessus de l'humus dérobé
au dessus du minerai au dessus du sel et de la mer enfuie
au dessus d'un rien de rien qui reste en équilibre
oscille infiniment à l'aplomb du fléau
Entre La Quiaca, Villazon, Uyuni, un ballot de chiffon jeté à contrevoie
est peut être l'enfant de mon rêve
qui sourit au néant
et qui s'endort enfin

 

 

Train07

 

depuis la frontière argentine jusqu'à Uyuni en Bolivie. environ 16h de voyage pour faire les 450 kms d'une traversée vertigineuse au bord de l'Altiplano

 

Train02

 

gare de Villazon ( frontière bolivio-argentine)

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20 juillet 2011 3 20 /07 /juillet /2011 18:06

Salta parade et s'affiche avec hauteur,   
poignée de fards plaquée sur les arborescences
rouge rose fruitée des églises, vitrines naïves qui plantent les bougies du Vaudou sur les figures laquées de la Pacha Mama, verrières jaunâtres des cabines suspendues, murs écaillés des residencials en décadence.
Salta bourdonne, amoureuse fertile, étire jusqu'aux nuages son petit train de solitude, lance la cavalcade des orages, ajuste son corsage entre deux quebradas violettes et roule pour finir, nuit et jour, en ramenant toujours le verre et le discours pâle du Torrontès à sa bouche qui chante au dessus de la pluie
Salta la crépitante en lambeaux de dentelles, redore à chaque meurtrissure de tempête, à chaque convulsion, son blason de fierté, son habit de soleil éreinté

Salta me faisait fête, noyant le martyr des disparus qui déchiraient de blanc l'obscurité des parcs
Salta me faisait joie, fille ruinée qui n'a plus rien à perdre
Salta, dans la noirceur d'un jour tiède, s'est couchée à la cime des Yungas où se déployait le chaos des rumeurs sourdes

Je suis restée figée face aux salissures moisies de la chambre bleue
cherchant dubitative, parmi les traits incertains de Salta, la carte du désir, et le chemin du non-retour
mais n'ai pu que dormir, et dormir, plus loin que les vallées qui se fendent et s'étoilent

 

d'autres photos de l'Argentine

 

Sal.16

le memoriel des disparus de la dictature à Salta

 

sal.50

jungle au dessus de Salta ( yungas) par temps d'orage

 


 


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4 juillet 2011 1 04 /07 /juillet /2011 23:41

la ville dort sans frémir, son souffle de lézard sur la platitude du sel gronde très en dessous,
monde à l'écoute derrière les fenêtres enroulées sur elles mêmes
les églises verrouillées et les commerces clos ne parlent que de l'heure absente
cherchant l'accord d'un chant profond qui coulerait du bitume

portes et jardins s'éveillent à la tombée du jour
c'est une autre ville qui tremble alors sur le pas suspendu d'un tango flamboyant, torsion de femmes et de velours que rien ne peut ternir
ni les idoles matoises, ni les diables cendrés tapis dans les entrailles des volcans
ni les tambours de peau qui ruinaient l'espoir des conquérants
 
bien plus au large, la montagne se déplisse, friche de solitude ardente que marquent l'ongle sur la corde et le final plaqué
où se répandent vin et bière chaloupés de rires sur l'envol d'un adieu
mais en quittant Rioja, je l'oublie sans façon
ne restent que l'eau fraîche et la main de l'offrande qui s'éloigne et s'éloigne et
rien d'autre

 

Men.23

 

route salée entre Mendoza et Rioja

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22 juin 2011 3 22 /06 /juin /2011 13:04

Bientôt le Pacifico ne fut qu'un aplat de bleu sur la carte, tandis que l'ombre de Pablo chuchotait inaudible dans l'amoncellement des pièces et des reliques de la Isla Negra

Je tournais le dos à la plaine étroite, le bus s'enfonça vers les Andes, mouche obstinée sur le ruban des pierres vives et des virages magnétiques que les camions conjurent avec des franges cérémonielles et des cœurs enrubannés

Une voie ancienne s'effilochait en poutrelles de fer et de ponts inutiles
Voie plus ancienne encore, dernier écho d'autres voix qui cherchaient la braise d'un feu ami aux marches des glaciers, ou le pas après l'autre pas qu'il fallait arracher au silence absolu des Cordillères

De l'autre coté des couleurs, des coulées, des invraisemblances et des chaos triomphants, le fleuve peu à peu se raréfiait vers la plaine brûlée de torchères que les gauchos dressent au milieu des vignes et des oliveraies

Ce fut Mendoza
Sèche et bardée de lignes au carré : fossés, canaux d'irrigation, places mozaïquées, monuments, rues striées, arbres rangés dont les racines boivent au magma des eaux et des nappes pétrolifères que plus rien ne sépare

Mendoza, claire et blanche, que ternissait à peine les visages morts déposés sur les rues,
regards éteints des disparus, regards que la mémoire et la justice redessinent de contours amers
Lumière et tourmente sur la rigueur de Mendoza
Lumière chavirée d'un tango de sang noir
Lumière défaite d'un soir de Mendoza où s'étendit le déluge roux d'un sable de Pampa
Augure d'un autre cataclysme
le jour où Mendoza perdra les eaux dernières
De sa mère crevassée

 

And.11.JPG

 

La traversée des Andes : ce sont à peu près les lieux de l'accident du pilote de l'aéropostale Guillaumet, rapporté par Antoine de Saint Exupéry dans son livre "terre des hommes". Guillaumet transportait le courrier en avion de Santiago à Buenos Aires, pris dans une tempête son avion capota sur la Laguna Diamante, et le pilote dut marcher trois jours à travers les Andes glacées avant de  trouver un secours

En 1949 Pablo Neruda fut également obligé de traverser les Andes à cheval en février pour échapper à la dictature dans son pays (voir le lien), épisode mythique qu'il évoque dans son discours de réception du prix Nobel en 1971

 

Men.20

nuage de sable sur Mendoza

d'autres photos

 

 

 

 

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8 juin 2011 3 08 /06 /juin /2011 18:34

De Santiago me fait défaut la légèreté du poème
c'était d'abord pour moi une ville grave
tatouée d'avenues imaginaires qui chantèrent un espoir depuis longtemps enfoui
je ne pouvais me décider à recalquer ensemble le choc du passé bouleversant et des années obscures, avec le désir du présent et le réel volé à la confrontation d'un temps sans anicroches

Santiago était avenante, propre, rebâtie, américaine et chaude
mais moi je la voyais sanglée dans un décor meurtri et déserté depuis toujours
je voulais retrouver son image tremblante sur le film en noir et blanc de l'inimaginable, où la vie se resserre et s'étreint dans un dernier sursaut
mais l'autre vie des hommes est la plus vraie, vérité du jour héritée de l'instant, vérité sans mémoire
toutefois apparaissaient en ombre sur le grand théâtre des immeubles et des verrières, des escaliers du métro, des terrasses où la jeunesse hésite entre parillada et bière au litre, sur la caillasse scintillante du Rio Mapucho, une saisie de failles, repères et reprises d'un tissu ancien trop délavé qui n'a même plus de nom
comme des tâches indélébiles et révélatrices :  vendeurs à la sauvette qui bradent leurs habits, chassés par les soldats, étudiants infortunés qui mendient dans les rues, et cette femme au consulat qui m'a dit "nous n'allons plus à Valparaiso, ce sont tous des voyous !"
A la porte des quartiers huppés, encore, la Cordillère est secouée d'un rire dévastateur qui finira par solder tous les comptes

je ne comprends rien à ce temps décalé, où je me perds, où je m'enferre
sur un rail de sable qui ne mène plus à rien

 

San.21

 

San.28

 

d'autres photos

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3 juin 2011 5 03 /06 /juin /2011 12:53

Enfin Valparaiso....
Adossée à la lumière, toucher les maisons peintes et les mosaïques vibrantes
Arrondir sur le poing un oeil de lune qui lorgne vers le Port
Aller. Venir. Revenir
A la vétusté des ascenseurs, répondre avec un pas à pas de murs graffités qu'enchante le zigzag des escaliers
Se saouler du grand largue épicé que le Pacifique ramène sans trop en avoir l'air
Et puis
 
Dans le bus cahotant les familles me poussent au dehors : c'est là, c'est là, disent les rires sous cape, c'est là qu'il faut aller
Sebastiana, en équilibre mental sur un coin de village, où Neruda piquait le soir de mots suaves
Toute la ville est là sous mes pieds chancelant de l'altitude et du secret qu'elle dévoile
Tous les chemins, tous les pourquoi, tous les chants de verdure et de salpêtre, tous les marins cambrés des mollets, des épaules, à la dignité, à l'amour et au vin du pays
 
Marcher, marcher, même si
On dit que les ruelles abritent l'inquiétude, et la tôle froissée de l'écroulement permanent, celui du pauvre, celui du désespoir, celui de la terre qui se fend et se creuse à chaque  tremblement du possible
Deux enfants de Valparaiso ont volé mes photographies et mon identité
Mais ils ont, sans rien en savoir, accroché mon nom au delà du papier, à la blessure des verbes irréguliers, que je ne sais pas dire, des rues irrégulières, que je ne sais pas oublier, des abîmes de guingois où j'ai laissé le flou de leur image
Ville radieuse et grinçante où je ne reviendrai jamais
Ou
Peut être

 

Val.14

 

Val.22

 

d'autres photos en cliquant sur ce lien : album "chili"

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18 mai 2011 3 18 /05 /mai /2011 10:06

il n'y a rien à retenir d'Atacama
qu'un dialogue entre vent et cavité de l’œil
je n'avais qu'à me laisser traverser
par la fulgurance du froid d'aube et le démenti du zénith absolu

on ne gagne rien à cette solitude, on n'y perd pas non plus
on reste écartelé de contrastes immuables sur l'espace de pierres que le temps lui même a déserté
au retour je répétais ce mot : "nostalgie de la lumière" (qu'il me fallait trouver en écho dans le film de Guzman )
sans histoire, sans mémoire, il ne dit rien de plus que sa seule beauté
et l'impression des chiffres virtuels sur un sablier d'infini
où c'est l'autre qui me retient
me pétrit, me dessèche et me stérilise à jamais dans le vide

où questions et réponses sont une même voix

 

 

atacama02


 

voir la bande annonce du film de patrice Guzman "nostalgie de la lumière"


 


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15 mai 2011 7 15 /05 /mai /2011 15:56

Arica est soleil noir, sable bouillant, caravane de fer, faux marbre de fausses fontaines que les cormorans souillent en aboyant
Arica prétend à ce qu'elle ne sera pas
bout de ligne ensablée, herbe conquise à grande eau que le soleil récuse, brise-lame dont l'océan peut se rire quand il veut
Arica se perd à tout instant dans l'artifice de sa fausse opulence, accotée à la maigreur des falaises jaunies, elle joue à secouer les vagues de son jupon d'endimanchée
Tout, autour d'Arica, brûle d'un enfer sans appel où la somptueuse altérité du Parinacota, et l'ironie mordante du souffle, et l'église de bois peinturlurée de rires, n'allumeront jamais le candélabre d'un seul arbre de pierre
Au bout de sa route en corset de lacets débraillés, Arica se rengorge et se livre elle même à l’œil d'un diable carnivore
et mort depuis longtemps

 

parinacota

 

le volcan Parinacota au dessus d'Arica ( nord du Chili ) se réflétant dans le lac gelé au petit matin, réserve d'eau que convoite la côte désertique

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14 mai 2011 6 14 /05 /mai /2011 10:59

Arequipa sera reconstruite éternelle, que vienne ou que s'éloigne tel soubresaut de Cordillère
Arequipa la blanche se pavane en couleurs volantées de rouge et bleu céruléen soumettant la fleur sauvage des nonnes de douze ans à Santa Catalina
la pluie rose du crépuscule habille d'une ombre de fruits mûrs les cernes de Mitsi et de Picchu Picchu
et les secousses, de places en ruelles, griffent le sable ocré d'une verdeur inopinée
secousses et tremblements qui fendent la poussière et la glace des monts
violences terrestres ouvrant un puits de cendres et de plainte enfantine qui cambra hors d'elle même la petite momie crevassée de Juanita, ses jouets dérisoires, ses sandales d'herbe,
et la poignée de coca qui lui ferma les yeux sous le couvercle de neige où s'enfuyait le cri d'un oiseau noir
et le temps du retour, pigeon après pigeon, ceignant la place des marchands
je traque à pas comptés l'abîme sous mes pieds qui engloutit l'autodafé de la vagabonde Flora
et la nuit, et la nuit où glisse la stridulence des dunes
cette solitude hautaine jamais ne se lasse de battre, de frapper, en mots caquetant de fanfare, en mots raclés de Pisco Sour, en mots peints de feuillages et de perruches, en mots coulés dans l'or tiède, en mots de cannelle et de girofle, en mots cirés de patine vénérable, en mots serrés sur l'écritoire de Vargas Llosa
à la fin, le désert se fige et se tait, tandis que monte le tournoiement des cloches conventuelles
car Arequipa n'oublie rien, même si elle ne le fait pas exprès

 

arequipa02

 

volcans au dessus de la Ville d'Arequipa ( Pérou)

 

arequipa03

 

le désert autour d'Arequipa

 

et un lien pour découvrir l'histoire de la "momie de juanita " conservée au musée santuarios andinos d'Arequipa... une rencontre bouleversante http://trek-cordillere.com/perou-colca/juanita.html

 

*Flora Tristan, grand mère de Gauguin, évoquée par le péruvien Vargas Llosa, né à Arequipa, prix  Nobel de littérature, dans son roman "le paradis un peu plus loin" http://fr.wikipedia.org/wiki/Flora_Tristan

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