Partir le matin vers "Unter den Linden" (sous les tilleuls), avenue emblématique de Berlin pour passer "à l'Ouest" par la porte de Brandebourg. Succession de bâtiments démesurés, ministères, musées, opéras, universités, déposés là par les strates successives de la ville re- re-re construite au fil des orages du XXème siècle.
Se faire la réflexion que si l'on a transformé un immeuble grisâtre de Berlin-Est en un hôtel (le mien) tout aussi grisâtre mais évidemment plus confortable, si l'on a rebâti des palais sur des palais, des églises sur des églises, pour préserver l'histoire passée et repartir vers l'avenir, avec une colossale énergie et des finances qui ne le furent pas moins, c'est que nous, Homo Sapiens, avons cette capacité infinie à pérenniser des conditions de vie qui nous semblent être l'idéal immuable de ce que nous appelons progrès. Ce faisant, nous témoignons d'un désolant manque, d'imagination, de capacité de rupture, d'originalité visionnaire, et pour tout dire, nous laissons sans doute guider, plus que nous le croyons, par ce cerveau primitif qui nous dit : "protéger, enfermer, guerroyer..." pour assurer quoi ? la pérennité non pas de la race humaine totale, mais du petit clan auquel nous appartenons.
Inlassablement, nous reconstruisons ville sur ville, puis entrainons ruines sur ruines, et toujours, nous recommençons. Notre vive intelligence, notre ingéniosité sont constamment vouées à l'échec, car nous savons que cela échouera, disparaitra, et déployons pourtant des trésors ahurissants de volonté, de savoir-faire, de matériaux... et d'espérance !
Berlin est probablement à l'image de ce qu'elle fut, avec la tonalité ajoutée du siècle en cours, avec ça et là des ilots de mémoire qui racontent ses erreurs (comme ailleurs on raconte d'autres erreurs), et chacun s'en tire à bon compte, mais sans perspective "autre".
Mémorial des juifs, des tsiganes, des homosexuels, du mur de séparation... et toujours la même humaine chanson : moi d'abord ! reprise en chœur par les milliards de selfies devant chaque lieu remarquable... Et puis....
Sous l'arbre en fleurs
le printemps fait trembler
le mur de nos hontes
On se dit qu'après tout, nous serons peut être un jour capables de retrouver, non pas l'éternité, mais la fraternité puissante des herbes qui s'échappent du bitume !